Guillaume Brincin

Guillaume Brincin

Directeur-conseil expert

L’intelligence artificielle (IA) n’est pas qu’une simple mode parmi d’autres dans un contexte d’affaires dynamique. C’est une technologie qui refaçonne la culture d’entreprise et les paradigmes opérationnels. Contrairement à ce qu’on pourrait croire, l’IA n’est pas une nouveauté. Son développement a sérieusement commencé il y a près de vingt ans avec les débuts de l’apprentissage automatique et l’apprentissage profond. En novembre 2022, un moment charnière est arrivé : l’IA est devenue accessible au grand public. Nous explorerons aujourd’hui le concept d’hyperagilité et les façons dont l’IA propulse l’adaptabilité organisationnelle, la création de valeur et l’innovation à des niveaux jamais atteints.

L’émergence de l’hyperagilité

L’hyperagilité représente l’évolution naturelle des méthodologies agiles traditionnelles. Elle a été développée au début des années 2020 et il ne s’agit pas d’un cadre fixe, mais d’un concept dynamique axé sur une :

  • adaptabilité extrême;
  • gouvernance décentralisée permettant aux équipes d’être autonomes dans leur prise de décision;
  • culture d’expérimentation et de créativité continues.

Plusieurs entreprises de calibre mondial ont adopté cette approche :

  • Haier : établissement de « microentreprises » autonomes s’adaptant rapidement aux changements du marché;
  • Spotify : utilisation de structures d’équipe innovantes comme les « escouades » (squads), les « tribus » (tribes), les « sections » (chapters) et les « guildes » (guilds) assurant une flexibilité et une innovation continues;
  • Amazon : maintien d’une culture ressemblant à celle d’une entreprise en démarrage, menant une expérimentation continue et centrée sur la clientèle avec une prise de décision rapide.

L’IA, catalyseur de l’hyperagilité

L’IA est en train de transformer radicalement l’agilité, et l’hyperagilité permet aux organisations d’atteindre une efficacité sans précédent.

Les outils d’IA optimisent considérablement les tâches courantes en automatisant les processus répétitifs, en détectant rapidement les anomalies et en proposant des mesures pour l’amélioration continue. Cela permet aux équipes de se concentrer sur la création de valeur substantielle. Ces outils, comme les assistants de codage ou les systèmes de tests automatisés, accélèrent le cycle de développement sans compromettre la qualité.

Les modèles d’IA, naturellement évolutifs et adaptatifs, s’ajustent en temps réel au contexte et aux besoins du marché. Ils apprennent continuellement à partir des données pour améliorer leur performance et leurs prévisions. Cette adaptation dynamique permet des réponses plus rapides et plus précises afin de faire face aux besoins changeants de la clientèle.

L’IA favorise l’émergence de procédures et de processus grâce à l’expérimentation continue. Les équipes peuvent tester rapidement plusieurs approches, analyser les résultats et les améliorer par une approche itérative et efficace. Cette expérimentation guidée par l’IA permet de repérer les méthodologies innovantes et assure l’optimisation continue des flux de travail. Cela permet de renforcer la culture d’amélioration continue au sein des organisations agiles.

Nouveaux outils, nouveaux défis

L’adoption de l’IA ne se fait pas sans difficulté. En dehors des aspects techniques et opérationnels, l’IA requiert des changements profonds dans les façons de travailler, de prendre des décisions et de gérer les équipes.

Utiliser l’IA signifie cohabiter avec l’incertitude. C’est un enjeu fondamental qu’il faut reconnaître et accepter. Les systèmes d’IA dépendent fortement de la qualité des données. Comme pour les humains, des données manquantes, imparfaites ou dépassées peuvent compromettre la fiabilité des analyses de l’IA. Les modèles d’IA ont leurs limites, notamment une certaine tendance à faire des généralisations à partir de cas isolés ou leur incapacité à traiter des situations inédites absentes de leurs données d’entraînement. Les biais présents dans les algorithmes sont une autre source importante d’incertitude. Ils peuvent provenir des données d’entraînement, des choix de conception ou des préjugés sociaux inconsciemment intégrés dans leur développement. On observe une variabilité dans les résultats, même dans des conditions apparemment identiques : la saisie des mêmes données peut générer des réponses différentes. Il existe aussi ce qu’on appelle la « dérive conceptuelle », où les modèles perdent de leur précision au fil du temps parce que les conditions changeantes du vrai monde requièrent des réajustements constants.

En IA, le temps est une variable déterminante dans la définition des stratégies d’une organisation. L’évolution rapide des techniques en IA exerce une pression constante sur les organisations qui doivent assurer une veille technologique continue et être prêtes à adapter leurs stratégies à tout moment. Cette accélération touche tous les aspects du développement et du déploiement de l’IA. Elle demande une agilité sans précédent dans la prise de décision et l’exécution des projets. Les organisations doivent planifier des investissements à court et à moyen terme tout en étant prêtes à s’adapter aux innovations : infrastructures infonuagiques, matériel spécialisé, nouvelles plateformes, etc. Les outils de formation sont en constante évolution et exigent un perfectionnement continu par l’utilisation de plateformes d’apprentissage adaptatif et de programmes de formation agiles. Les outils servant au développement et au déploiement de l’IA évoluent rapidement et les équipes doivent constamment maîtriser de nouveaux cadres d’application et environnements de travail. En raison de l’émergence continue de nouvelles architectures et approches redéfinissant les possibilités et les bonnes pratiques, l’apprentissage des modèles d’IA est un défi perpétuel.

Lorsque l’IA ne répond pas aux attentes, cela a des répercussions sur le personnel et sur l’organisation. Face aux résultats décevants ou inconsistants, les utilisateurs et utilisatrices en viennent à ressentir une lassitude et une frustration qui minent leur confiance envers la technologie. Cette désillusion peut accroître la résistance à l’utilisation de l’IA, même dans les situations où celle-ci pourrait s’avérer positive. Les équipes reviennent aux méthodes traditionnelles dépourvues d’automatisation et d’analyse avancée, donc moins rapides et moins efficaces, ce qui entraîne un déclin de la performance. Problème plus insidieux, les organisations finissent par accepter que des résultats médiocres soient la norme. Cette complaisance dans la médiocrité est dangereuse : les organisations baissent leurs attentes, ne visent plus la qualité et réduisent les investissements dans l’amélioration des systèmes, ce qui perpétue le cycle de sous-performance.

Contrairement à ce qu’on pourrait croire, la montée de l’IA marque en fait le début d’une ère où l’expertise humaine est plus cruciale que jamais. Chaque professionnel(le) est responsable d’utiliser l’IA de façon judicieuse en misant sur sa compréhension approfondie de son propre domaine d’expertise et en tenant compte des capacités et des limites des outils d’IA utilisés. Il est important de bien comprendre que l’IA n’est pas magique. Elle ne peut pas régler des problèmes miraculeusement sans les directives et le contexte fournis par des humains. Une gestion efficace des limites de l’IA demande des équipes préparées, informées et expérimentées sachant repérer les cas d’utilisation pertinents, interpréter correctement les résultats et intervenir quand il le faut. Les équipes doivent acquérir une compréhension nuancée des technologies en IA, des biais potentiels et des bonnes pratiques de déploiement. Cette expertise professionnelle et technologique est essentielle pour convertir l’IA en levier de création de valeur.

Accélérer l’hyperagilité grâce à l’IA

L’adoption de l’IA accélère naturellement en raison des fondations de l’agilité déjà en place au sein des organisations. Les équipes agiles évoluent intuitivement en alignant leurs pratiques de collaboration, d’itérations rapides et d’amélioration continue aux exigences du développement et du déploiement de l’IA. Habituées à s’adapter et à apprendre sur une base continue, ces équipes intègrent progressivement des compétences en IA dans leurs tâches. Elles utilisent spontanément les outils d’IA lorsqu’elles travaillent avec des données bien gérées dans le cadre de processus agiles déjà établis. Cette intégration fluide permet des gains rapides qui créent un effet boule de neige : les résultats positifs générés par une équipe en inspirent d’autres à adopter une approche similaire. Les équipes partagent leurs expériences, les leçons et les bonnes pratiques et un mouvement d’adoption de l’IA se produit graduellement dans toute l’organisation.

L’IA nous force à adopter une culture agile afin de relever les défis qui en découlent. La mise en place de programmes de formation et de perfectionnement personnalisés est essentielle afin de donner aux employé(e)s les compétences nécessaires au développement et à l’utilisation des technologies d’IA. Ces programmes doivent privilégier l’apprentissage par la pratique et offrir l’occasion d’expérimenter avec les outils et les méthodes. Les employé(e)s auront ainsi l’expertise nécessaire pour s’adapter aux changements et aux possibilités offertes par l’IA. Encourager les employé(e)s à expérimenter avec l’IA est important : avoir un espace sûr où les échecs sont vus comme des leçons à tirer leur permet d’explorer de nouvelles solutions sans crainte. Afin de tirer le plein potentiel de l’IA, il faut favoriser une culture d’innovation, de questionnement et d’amélioration continus. En adoptant pleinement les principes de l’agilité, les organisations gagnent en résilience et en compétitivité et sont mieux préparées à saisir les occasions offertes par l’évolution rapide de l’IA.

L’IA requiert également un leadership qui inspire et oriente l’organisation. Les leaders doivent incarner le changement apporté par l’IA, en adoptant les nouvelles pratiques et en affichant leur enthousiasme auprès de leurs équipes. Ils et elles doivent encourager l’innovation et la prise de risques calculés et créer un environnement propice à l’expérimentation et à l’exploration des possibilités de l’IA. Parallèlement, les leaders doivent apaiser les craintes et les préoccupations de leurs équipes en communiquant de façon transparente les avantages, les défis et les retombées de l’IA. Surtout, il doit y avoir une vision claire et commune de ce qu’est l’IA et des façons dont elle peut enrichir leur travail. Cela aidera à surmonter les résistances et à unifier l’organisation dans l’atteinte d’objectifs ambitieux. Ces leaders deviendront de véritables catalyseurs du changement et inspireront leurs équipes à adopter l’IA et à l’intégrer dans la culture de l’entreprise.

C’est pourquoi il faut établir une compréhension claire et commune de l’IA afin d’assurer le succès de cette transformation technologique. En favorisant une approche collaborative, les organisations peuvent exploiter le potentiel de l’IA pour accroître leur agilité, stimuler l’innovation et faciliter la création de valeur. L’hyperagilité sera bénéfique aux organisations qui adoptent une approche d’adaptation et d’apprentissage ainsi qu’un esprit ouvert et une vision stratégique face à l’évolution technologique.

À propos de l’auteur

Guillaume Brincin

Guillaume Brincin

Directeur-conseil expert

Guillaume Brincin, directeur-conseil expert en intelligence artificielle et technologies immersives, est conférencier et spécialiste en innovation depuis plus de 15 ans. Co-responsable de la communauté de pratique en innovation et systèmes immersifs, il anime également toute les semaines des ateliers pour permettre aux associés de ...