Le secteur de l’énergie est confronté à des défis qui peuvent paraître insurmontables : la perte de main-d’œuvre, des systèmes vieillissants, des contraintes financières et une résistance culturelle au changement. Mais attention : chaque défi cache une opportunité. Comme dit le proverbe, « toute médaille a son revers ». Chaque obstacle à surmonter correspond à une occasion d’affaires pour les entreprises qui se tournent vers la main-d’œuvre de l’avenir.
Le premier article de cette série portait sur les enjeux majeurs qui remodèlent le fonctionnement des entreprises et la façon dont le travail est effectué dans le secteur de l’énergie. Nous aborderons aujourd’hui le revers de ces enjeux, à savoir les occasions qui accompagnent ces défis. Grâce notamment au potentiel de la génération du numérique et aux avancées des technologies de pointe, le secteur de l’énergie est en mesure de redéfinir la nature du travail pour le rendre plus intelligent, efficient et durable.
Cet article examine les forces derrière ces occasions et montre la façon dont les entreprises du secteur peuvent en tirer parti pour bâtir un meilleur avenir. La main-d’œuvre de demain repose sur l’innovation, l’adaptabilité et la collaboration, et ce sont ces trois éléments qui assureront la réussite du secteur de l’énergie.
L’évolution du talent
La main-d’œuvre de demain sera formée d’une génération exposée aux technologies dès l’enfance. Songez que l’iPhone d’Apple, introduit en 2007, a maintenant 18 ans! Les diplômé(e)s d’aujourd’hui ont eu des téléphones intelligents durant tout leur parcours scolaire et il et elles maîtrisent les outils numériques. En plus d’être à l’aise avec la technologie, ces jeunes s’attendent à ce qu’elle fasse partie de leur environnement de travail.
Cette génération est capable d’adopter de nouvelles technologies plus rapidement que les générations précédentes. Par exemple, les services de diffusion en continu ont atteint un taux de pénétration du marché de 50 % en cinq ou sept ans. Il avait fallu entre 15 et 20 ans au magnétoscope pour faire de même. Le secteur de l’énergie peut miser sur une main-d’œuvre capable de s’adapter rapidement et d’exploiter les nouvelles technologies, que ce soit la robotique, l’Internet des objets ou les plateformes d’analytique.
L’énergie propre attire particulièrement les jeunes travailleurs et travailleuses. Des programmes gouvernementaux tels que la loi américaine sur la réduction de l’inflation et le pacte vert pour l’Europe ont stimulé les investissements dans les secteurs de l’énergie propre (énergie solaire, éolien et stockage sur batterie). Ces secteurs à forte croissance cadrent avec les valeurs des jeunes générations, qui cherchent durabilité et sens dans leur travail. Selon une récente étude, 88 % des jeunes travailleurs et travailleuses aux États-Unis (représentant 45 % de la main-d’œuvre) veulent une carrière qui contribue à changer les choses[i]. Les entreprises de l’énergie qui réduisent leurs émissions de carbone sont donc plus attractives pour ce profil de travailleurs et travailleuses.
D’un autre côté, la transition énergétique et la consolidation du secteur, notamment les fermetures de raffineries en Californie et au Royaume-Uni et la vague de fusions de sociétés pétrolières et gazières aux États-Unis, ont entraîné le licenciement d’un grand nombre de professionnel(le)s d’expérience qui veulent continuer à travailler dans leur domaine[ii],[iii]. Ces travailleurs et ces travailleuses expérimenté(s) et fiables peuvent aider les sociétés à passer à des énergies plus propres. Pour réussir, il faut combiner l’adaptabilité des jeunes à l’expérience des professionnel(le)s chevronné(e)s du secteur. Cette approche mène à des innovations technologiques inspirées de l’expérience approfondie.
Les avancées technologiques
Les avancées technologiques redéfinissent en profondeur le travail dans le secteur de l’énergie. L’automatisation, la robotique et les usines intelligentes transforment non seulement le travail lui-même, mais également la nature de la main-d’œuvre. Le recours à la robotique et à l’automatisation dans le secteur des hydrocarbures devrait atteindre un taux de croissance annuel composé de 5,2 % de 2022 à 2030, un taux dépassant celui prévu pour le secteur lui-même[iv].
L’un des principaux avantages des technologies, c’est la possibilité de reléguer aux machines les tâches dangereuses et répétitives et de confier des rôles à plus forte valeur ajoutée aux travailleurs et travailleuses qui surveillent les processus automatisés et les systèmes IA. L’intervention humaine est essentielle pour créer un écosystème d’intelligence artificielle équilibré et efficace. Cette approche valorise l’expertise humaine pour surveiller, gérer et optimiser l’automatisation. Elle renforce la sécurité opérationnelle tout en augmentant l’efficacité dans l’ensemble des activités.
Les systèmes automatisés et une exploitation « intelligente » permettent aux équipes de générer de meilleurs résultats avec une plus grande fiabilité. Les travailleurs et travailleuses disposant d’outils performants peuvent réaliser efficacement des tâches plus complexes, même en début de carrière. Les outils de travail connectés, naturellement appréciés par la génération du numérique, fournissent des données et des instructions en temps réel, ce qui permet aux employé(e)s de prendre de meilleures décisions plus rapidement tout en assurant la sécurité des activités. Ces outils répondent aux attentes des jeunes par rapport aux environnements numériques améliorés et aident les sociétés de l’énergie d’harmoniser l’expérience de travail moderne aux besoins en évolution des employé(e)s.
La robotique et l’automatisation permettent de pousser plus loin la transformation du travail. Ces technologies prennent en charge une grande partie des tâches répétitives et créent une demande pour une main-d’œuvre capable de superviser et d’entretenir les robots. Les programmeurs et programmeuses de demain ne passeront plus leur temps à écrire du code. Ils et elles superviseront des robots programmeurs et des systèmes automatisés et seront essentiels pour la gestion du travail et l’amélioration de la qualité. Google a déclaré que 25 % du nouveau code à l’interne est généré par des machines et révisé par des êtres humains[v]. Ce virage nécessite un ensemble de compétences qui allie un savoir-faire technique à une gestion de systèmes et une surveillance de machines.
Les outils d’automatisation robotique des processus, utilisés en premier dans l’industrie du jeu vidéo, combinés à des processus standardisés des déploiements de systèmes de gestion intégré rendent possibles d’autres modèles d’affaires pour plusieurs processus d’entreprise. Les centres de service mondiaux, une approche utilisée initialement par les multinationales pour réduire les coûts, se sont transformés au rythme de l’évolution technologique et englobent maintenant toute une gamme de processus d’affaires. Les avancées technologiques ayant simplifié l’adoption de nouveaux modèles opérationnels pour les processus d’affaires, ceux-ci sont maintenant à la portée des petites et moyennes entreprises. Pour les sociétés qui cherchent à croître avec moins de personnel ou avec des employé(e)s moins expérimenté(e)s, l’externalisation des fonctions d’affaires est une option de plus en plus intéressante[vi].
Des installations plus intelligentes offrent des gains de complexité appréciables, mais leur adoption varie grandement dans le secteur. C’est particulièrement le cas pour les vieilles installations. Les coûts d’une mise hors service nécessaire pour des mises à niveau sont trop onéreux. En revanche, de nouvelles installations dans des domaines plus récents (énergies renouvelables) ou des secteurs à haute valeur (pétrochimie) peuvent être construites en intégrant dès le départ des technologies modernes. Les fournisseurs dans ce secteur, qui sont en mesure de renouveler leurs installations rapidement, auront aussi des occasions d’optimisation accrue à court terme. On voit émerger de nouveaux joueurs, provenant souvent du secteur manufacturier et apportant une approche et des technologies de l’industrie 5.0.
Les technologies qui transforment l’interface humain-machine progressent aussi rapidement. Les services de traduction et de transcription de la voix en temps réel sont utilisés dans les machines pour permettre aux travailleurs et travailleuses d’interagir avec les machines par des commandes vocales. En remplaçant un mouvement (appuyer sur un bouton) par une commande vocale, les usines économisent quatre secondes; ces secondes s’additionnent rapidement sur une grande chaîne de montage[vii]. L’analytique visuelle permet également une supervision à distance des actifs, ce qui réduit le nombre d’employé(e)s sur place et l’effectif en général. Ces avancées contribuent aussi à la baisse des émissions, puisque les travailleurs et travailleuses se déplacent moins, et à la réduction de l’empreinte carbone du secteur.
Toutes ces avancées technologiques simplifient les opérations et requièrent une main-d’œuvre réduite, plus éduquée, plus efficace et ayant plus de capacités. Ces innovations rendent aussi possible un avenir plus durable.
La flexibilité et l’accessibilité de la main-d’œuvre
Les façons de travailler et d’apprendre sont en pleine mutation en raison des nouvelles technologies et des attentes des travailleurs et travailleuses. Les plateformes éducatives en ligne et les programmes de formation virtuels sont maintenant des outils incontournables pour bien former la main-d’œuvre[viii]. En 1995, seules 4 % d’organisations avaient recours à la formation en ligne; ce chiffre s’élève maintenant à 90 %[ix].
Plus de 40 % des entreprises sur la liste Fortune 500 utilisent régulièrement les plateformes en ligne dans leur approche de formation[x]. Ces plateformes permettent aux travailleurs et travailleuses de se former sans contrainte de temps et de lieu et donc d’acquérir de nouvelles compétences au moment opportun. Ce modèle convient particulièrement à la prochaine génération de travailleurs et travailleuses, qui utilisent déjà YouTube et d’autres ressources en ligne pour se former. Les entreprises qui font appel à ces solutions de formation flexibles prennent une longueur d’avance, car leur main-d’œuvre peut s’adapter rapidement à de nouveaux rôles et technologies.
D’un autre côté, les modèles de travail hybride et à distance sont de plus en plus la norme dans le secteur de l’énergie, bien qu’ils comportent leurs propres défis. Le travail à distance a connu un essor durant la pandémie, mais les pressions s’accentuent pour un retour au bureau, particulièrement dans les secteurs où la présence au bureau était la norme. Le secteur de l’énergie repose grandement sur des activités physiques, notamment dans le forage et le raffinage. Pour plusieurs rôles du secteur, le travail entièrement à distance n’est pas possible. Les avancées technologiques facilitent toutefois des modes de travail flexibles, même pour des rôles physiques.
La connectivité mondiale joue un rôle important dans ces changements. Avec des outils de communications plus rapides et plus fiables, les travailleurs et travailleuses peuvent collaborer efficacement partout dans le monde. La télémanipulation, telle que le recours aux drones, en est un exemple parfait. Un technicien ou une technicienne peut maintenant commander un drone pour inspecter un pipeline dans une région éloignée ou une torchère d’une raffinerie à des milliers de kilomètres. La possibilité de gérer des actifs matériels à distance permet de réduire les effectifs sur place et ainsi de rendre les opérations plus efficaces et plus sécuritaires.
L’infrastructure numérique, notamment les outils de connectivité, les solutions infonuagiques, les processus d’exploitation standards, les technologies d’entreprise uniformes et les solutions d’automatisation de processus permettent de faire appel à des fournisseurs qui réalisent les processus à partir de centres mondiaux éloignés. Plusieurs secteurs ayant des processus très sensibles et à haut risque, notamment la comptabilité des ressources, l’émission de passeport et le traitement des demandes de règlement, se sont tournés vers ces solutions créatives pour régler leur problème de pénurie de main-d’œuvre.
La formation en ligne, le travail hybride, la connectivité avancée et une infrastructure numérique commune accroissent la flexibilité de la main-d’œuvre dans le secteur de l’énergie. En tirant parti de ces innovations, les entreprises peuvent créer une main-d’œuvre agile capable de gérer les défis de demain.
La transition énergétique et un monde de possibilités
La transition énergétique mondiale redessine le paysage pour les entreprises traditionnelles en créant de nouvelles possibilités de croissance et de diversification. Les entreprises de tous les secteurs d’activité cherchent à réduire leur empreinte carbone et la demande pour de nouvelles solutions énergétiques ne fait que croître. Toutes les grandes entreprises de services infonuagiques ont annoncé des partenariats avec des fournisseurs d’énergie traditionnels pour leurs centres de traitement des données. Le moment est venu pour les entreprises traditionnelles du secteur de l’énergie d’élargir leurs champs d’activité : distribution, efficacité énergétique, intégration des énergies renouvelables et technologies de captage du carbone. En misant sur leur expertise, les entreprises peuvent être les partenaires dont les autres secteurs ont besoin pour atteindre leurs objectifs de développement durable.
La collaboration est un autre facteur clé de l’innovation pour la main-d’œuvre. Des acteurs importants du secteur sortent de leur terrain de jeu habituel pour établir des partenariats avec d’autres organisations du secteur, des universités, des laboratoires gouvernementaux de recherche et développement et des incubateurs. Des collaborations telles que Pathways Alliance favorisent une culture de partage des connaissances et de résolution concertée des problèmes, ce qui accélère le rythme des avancées technologiques[xi].
La collaboration multisectorielle permet également à la main-d’œuvre de bénéficier des connaissances et de l’expertise des secteurs adjacents. Les défis que représente les opérations dans des environnements extrêmes (p. ex. l’Arctique ou en mer) ont emmené les secteurs minier, du pétrole et gaz et aérospatial à partager les bonnes pratiques et à développer des solutions[xii]. Ces partenariats ont permis de créer rapidement des solutions techniques de premier plan en plus de générer des possibilités d’essaimage qui contribuent à une main-d’œuvre novatrice et flexible.
La transition énergétique crée les conditions pour une plus grande collaboration qui permettra aux entreprises traditionnelles du secteur de l’énergie d’élargir leurs activités et de renforcer leur position dans un marché très concurrentiel. La capacité d’intégrer de nouvelles idées et expertises sera un aspect important de la main-d’œuvre de demain.
En conclusion : saisissez les occasions liées à la main-d’œuvre
Le secteur de l’énergie est à la croisée des chemins : les défis et les possibilités d’affaires transforment la main-d’œuvre de demain. Si les obstacles soulevés dans l’article précédent sont de taille, les possibilités évoquées ici montrent que l’avenir est plein de potentiel.
La main-d’œuvre de demain sera réduite dans le secteur de l’énergie en raison de facteurs externes. Les entreprises peuvent prendre les décisions pour rendre leur main-d’œuvre plus efficace et plus flexible et s’assurer qu’elle génère moins de carbone. Les avancées en automatisation, en connectivité et en télémanipulation améliorent la productivité et redéfinissent les façons de travailler. La transition énergétique ouvre des portes dans d’autres secteurs et la collaboration multisectorielle et multidisciplinaire permettra d’agrandir le bassin de talents.
Les entreprises qui s’en sortiront le mieux sont celles qui accueilleront le changement et investiront dans les outils, partenariats et stratégies nécessaires pour façonner la main-d’œuvre de demain. En s’appuyant sur la technologie, en favorisant la collaboration et en misant sur les valeurs de la nouvelle génération, le secteur de l’énergie peut se redéfinir et livrer des solutions efficaces et durables.
Cet article a été co-écrit par les deux experts suivants :
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