Apparition de nouveaux métiers, destruction d’emplois, guerre des talents, risques d’une société à deux vitesses… Coralie Pichot, Directrice Conduite du changement et Samuel Hassoun, Vice-Président Secteur RH au sein de CGI Business Consulting anticipent les bouleversements à venir sur le marché de l’emploi.
Quand on parle des « emplois de demain », de quoi parle-t-on exactement ?
Samuel Hassoun : Selon un rapport récent de l'OCDE, 50 % des emplois de demain ne seront pas les mêmes qu'aujourd'hui : il y aura à la fois des destructions d'emplois et des créations. Il faut se préparer dès aujourd'hui à cette transformation profonde et anticiper les changements !
Coralie Pichot : L’autre chiffre frappant, c’est que 85 % des emplois à l’horizon 2030 nous sont à ce jour totalement inconnus. Il va donc bien falloir accompagner les transformations liées à ces nouveaux métiers.
Quels sont les impacts de ces transformations et sur qui ?
Samuel Hassoun : Les conséquences sont à trouver tout à la fois du côté des entreprises, des individus et de la société. Côté entreprises, la transformation numérique impacte tous les métiers, sans exception. L’automatisation, la robotisation ou l’intelligence artificielle bouleversent l’organisation du travail, du management, des ressources humaines. Et l'adaptation à ces nouvelles technologies se fait sur des cycles à la fois plus courts et plus intenses. Elle demande une transformation plus profonde et un accompagnement adapté.
Coralie Pichot : La situation peut être assez anxiogène pour les individus car il y a un risque de perte d’emploi, d’asservissement, de déclassement social, de chômage… même s’il y a en contrepartie des nouveautés technologiques qui réduisent la pénibilité et les tâches répétitives. Au niveau de la société, il y a un risque d'un monde à deux vitesses, d'une fracture générationnelle car les nouveaux emplois demandent un niveau de qualification plus important et une capacité à apprendre que tout le monde ne possède pas.
Comment les DRH s’adaptent-elles à ces transformations ?
Coralie Pichot : Les Directions des Ressources Humaines font face à deux grands enjeux aujourd'hui. D’une part, faire en sorte que l'expérience digitale proposée aux clients de l’entreprise soit la même pour les employés. On parle alors « d'expérience collaborateur ». Le deuxième sujet concerne le recrutement de nouveaux talents aux compétences plus transverses que techniques. Dans tous les cas, il est important d’accompagner autant les collaborateurs que les managers qui sont souvent les « parents pauvres » de ces transformations.
Samuel Hassoun : Les DRH doivent en premier lieu appréhender correctement les compétences des individus, donc pouvoir les identifier précisément. Ensuite, elles doivent définir quelles évolutions donner à ces compétences et maîtriser les transformations en accompagnant le changement. Enfin, la responsabilité sociale de l'entreprise est devenue un sujet crucial sur lequel les DRH doivent apporter une réponse concrète et adaptée pour contribuer à l’acceptation de ces transformations. Chez CGI, nous formons au métier de développeur des personnes qui souhaitent se reconvertir dans le numérique ou qui sont éloignées de l’emploi à travers U’DEV, notre école du développeur, accessible à tous.
Comment accompagnez-vous concrètement les DRH dans ces transformations ?
Samuel Hassoun : Nous nous appuyons d’abord sur les deux piliers classiques : la formation et la communication. Mais attention à la quantité de communication diffusée partout, tout le temps. A mon sens, ce n'est pas la bonne approche, il faut davantage privilégier une communication qualitative plus ciblée, plus simple, plus accessible à tous.
Il y a aussi deux autres volets, moins classiques et qui deviennent plus prégnants : la gestion des résistances et le « compagnonnage », sous la forme d’un accompagnement du collaborateur, en proximité. C'est vraiment au travers de ces quatre piliers que nous accompagnons les Directions des Ressources Humaines dans leurs missions.
Coralie Pichot : Nous travaillons beaucoup sur l'engagement des managers, entre autres sur les aspects transactionnels (salaire, rémunération, bonus). Mais pour les engager durablement dans les transformations numériques, il faut travailler sur trois autres dimensions. La dimension individuelle : « est-ce que j’ai les bonnes compétences digitales, transverses ou autres ? ». La dimension sociale : « est-ce que j’ai la reconnaissance de mes pairs, de mon leadership, de mes équipes ? ». Et une dimension de plus en plus prépondérante, la dimension aspirationnelle : « est-ce que ce que je fais a du sens, est-ce que je vais dans la bonne direction ? ».
Doit-on avoir peur ?
Samuel Hassoun : La méthode d’engagement durable qui vient d’être évoquée par Coralie permet justement d’accompagner tous ces changements, vécus de manière parfois anxiogène, par les collaborateurs. L’entreprise se doit désormais de « donner du sens », via sa dimension sociale et sa « raison d’être ».
Coralie Pichot : Je crois qu'aujourd'hui, la priorité, c'est d'être dans la capacité à appréhender le changement de manière positive. Le premier facteur de succès pour les individus, l'entreprise et la société, c'est de considérer cette transformation positivement, en cherchant comment rebondir par rapport à une situation qu'on ne maîtrise pas forcément.