Michael Petersen

Michael Petersen

Directeur-conseil, prestation de services

Des systèmes de refroidissement de l’eau aux salles de conférence, l’intelligence artificielle (IA) est un sujet qui occupe tous les esprits. Les défenseurs de l’IA vantent les incroyables gains de productivité et les économies de coûts qui peuvent être réalisés. D’un autre côté, les risques liés à l’IA sont également régulièrement signalés. Les gros titres mettent en garde contre l’explosion des coûts des serveurs, les poursuites judiciaires liées à la propriété intellectuelle et les faux pas embarrassants causés par des déploiements d’IA mal planifiés, réalisés à la hâte ou insuffisamment testés.

En réalité, malgré ces risques, le recours à l’IA est de plus en plus fréquent. Selon les plus récents rapports La voix de nos clients CGI, 40% des assureurs citent l’IA à titre de principale priorité en matière d’innovation des 3 prochaines années. Les entreprises qui adoptent une approche attentiste risquent de perdre l’avantage du précurseur et de voir leurs concurrents tirer parti des avantages promis par la révolution de l’IA. Comment les compagnies d’assurance peuvent-elles équilibrer le rapport coûts-avantages de l’adoption de l’IA?

Coûts de l’IA dans l’assurance

Les assureurs doivent prendre en compte les « coûts de base » et les « coûts accessoires » lorsqu’ils évaluent l’IA.

Coûts de base

Un coût base est une nouvelle activité à laquelle est directement associée une dépense quantifiable. Ces coûts sont tangibles et peuvent être calculés avec précision, ce qui les rend essentiels lors de la budgétisation d’un projet d’IA. Voici quelques exemples de ces coûts.

  • Coûts d’entraînement et de réglage - Pour l’IA faible, les modèles doivent être entraînés sur les données et processus spécifiques à l’entreprise, un peu comme pour l’intégration d’un nouvel employé. Cet entraînement personnalisé est coûteux, mais il permet au modèle de fournir une valeur maximale adaptée à l’activité de l’assureur. Bien qu’il existe des modèles d’IA générative pré-entraînés, il est souvent nécessaire de les ajuster ou de les adapter à des tâches spécifiques au domaine de l’assurance. Ce processus, bien que potentiellement moins intensif que l’entraînement à partir de zéro, engendre toujours des coûts importants liés à l’expertise, aux ressources informatiques et à la préparation des données. Par ailleurs, pour suivre l’évolution rapide des modèles d’IA générative, il peut être nécessaire d’investir en permanence dans le réentraînement ou le réajustement des modèles au fur et à mesure que de nouvelles versions sont disponibles.
     
  • Coûts en personnel - Les experts en IA sont très demandés et peu nombreux. Ils exigent souvent des salaires élevés dans les domaines de l’IA faible et de l’IA générique. Pour l’IA faible, il est essentiel de disposer de spécialistes de l’apprentissage automatique, de la science des données et des applications de l’IA spécifiques à un domaine. Dans le cas de l’IA générative, ce sont les experts en traitement du langage naturel, en ingénierie de requête et en grands modèles de langage qui sont de plus en plus recherchés. Ces deux domaines requièrent des professionnels qui comprennent l’éthique et la gouvernance de l’IA. Le taux de roulement peut être élevé, car le personnel qualifié est toujours en quête de meilleures perspectives, en particulier dans le domaine de l’IA générative qui évolue rapidement. Les experts en IA sont de précieux atouts pour les deux types d’IA : dans l’IA faible, ils veillent à ce que les modèles soient entraînés avec précision et évitent les pièges courants, tandis que dans l’IA générative, ils peuvent ajuster efficacement les modèles, concevoir des requêtes pertinentes et mettre en œuvre les mesures de protection nécessaires. Leur expertise permet d’accélérer la productivité et de relever les défis propres à chaque type d’IA dans le contexte de l’assurance.
     
  • Coûts d’exécution et d’infrastructure - Les exigences en matière de calcul et les coûts associés varient considérablement entre les modèles d’IA faible et les modèles d’IA générative. Dans les applications d’assurance, les modèles d’IA faible ont souvent des coûts d’exécution modérés une fois déployés, mais peuvent nécessiter des ressources informatiques importantes pendant la phase initiale d’entraînement. Ces modèles traitent généralement des intrants de données spécifiques et structurées, rendant leurs besoins en ressources plus prévisibles.
    Les modèles d’IA générative, en particulier les grands modèles de langage, présentent un profil de coût différent. L’entraînement initial nécessite d’énormes capacités informatiques et il est généralement assuré par les fournisseurs de modèles. Dans le cas des assureurs, les principaux coûts proviennent des ajustements, du déploiement et de l’inférence (exécution des modèles). Contrairement à ce que l’on pourrait croire, de nombreux grands modèles de langage modernes sont très efficaces en matière d’inférence, en particulier lorsqu’ils sont optimisés. Cependant, ils peuvent nécessiter un matériel plus puissant et une infrastructure spécialisée pour fonctionner efficacement à grande échelle.
    Pour les deux types d’IA, il convient de prendre en compte les coûts de l’informatique en nuage, le stockage des données et la bande passante du réseau. Le choix entre un déploiement sur site et des solutions infonuagiques peut avoir une incidence considérable sur la structure globale des coûts. Pour sélectionner le bon modèle et la bonne infrastructure, il faut trouver un équilibre entre ces différents coûts, les capacités du modèle et les besoins spécifiques du cas d’utilisation de l’assurance. Il est essentiel de procéder à une analyse approfondie du rapport coûts-avantages, en tenant compte à la fois des dépenses immédiates et de l’extensibilité à long terme.

Coûts accessoires

 Un coût accessoire est le coût de déploiement d’un modèle. Alors que les coûts de base sont directs et quantifiables, les coûts accessoires peuvent être plus importants et plus difficiles à quantifier. Les coûts accessoires sont souvent imprévus et ils ont généralement des incidences néfastes ou représentent des coûts de renonciation qui ne sont pas toujours immédiatement visibles. Voici quelques exemples de ces coûts.

  • Coûts de renonciation - Ne pas adopter l’IA pourrait avantager les concurrents sur le plan de la rapidité, de l’efficacité et de la rentabilité et leur permettre ainsi de pratiquer des prix inférieurs à ceux des autres acteurs du marché ou de s’approprier des clients.
  • Coûts de réputation - Une IA mal déployée peut mener à des erreurs préjudiciables, telles que le refus à tort d’une couverture médicale. La vigilance réglementaire, les poursuites judiciaires et l’atteinte à la marque peuvent entraîner des coûts supplémentaires et des besoins accrus en personnel.
  • Coûts de concurrence - L’IA permet aux concurrents de réduire les coûts grâce à l’automatisation, de personnaliser la tarification pour proposer des tarifs plus compétitifs et de fournir un meilleur service à la clientèle, avec pour conséquence potentielle le vol de parts de marché.

Autres aspects clés de l’IA en assurance

Réglementation en matière d’IA

Aux États-Unis, il n’existe pas encore de loi fédérale sur l’IA dans le domaine de l’assurance, mais certains États ont commencé à adopter leurs propres règles. L’Association nationale des commissaires d’assurance (NAIC) a publié des lignes directrices en matière d’IA que les assureurs devraient respecter.

En dehors des États-Unis, la réglementation en matière d’IA cherche à trouver un équilibre entre les préoccupations liées à l’innovation, à la protection de la vie privée et à la responsabilité individuelle. La loi européenne sur l’IA fournit un cadre réglementaire qui s’applique à tous les secteurs, y compris celui de l’assurance, et cherche à appliquer une réglementation adaptée aux risques liés à l’espace technologique de l’IA. La loi sur la résilience opérationnelle numérique (Digital Operational Resilience Act, DORA) impose des exigences strictes aux entreprises en matière de gestion et d’atténuation des risques liés à leurs opérations numériques.

Intelligence artificielle éthique

Au-delà de la simple conformité, les assureurs doivent veiller à ce que leurs modèles d’IA soient transparents, impartiaux et éthiques, en particulier lorsqu’ils sont utilisés pour des fonctions critiques telles que la prise de décision en matière de sinistres, avec une forte incidence sur la vie des gens. Les processus de gouvernance sont essentiels.

L’avenir de l’IA dans le secteur de l’assurance

Malgré les coûts et les risques, l’IA offre aux assureurs des avantages significatifs dans pratiquement toutes les fonctions de l’entreprise lorsqu’elle est mise en œuvre efficacement. Les entreprises qui parviennent à intégrer l’IA dans leurs activités sont susceptibles de renforcer l’efficacité des processus, de bénéficier d’avantages concurrentiels et d’améliorer le service à la clientèle.  

Traitement des réclamations 

Les capacités de l’IA telles que la reconnaissance de texte et l’analyse des sentiments peuvent améliorer considérablement les flux de travail des réclamations grâce à l’automatisation. Il existe différents produits commerciaux sur le marché, et les entreprises ont développé des capacités internes au fil du temps.

Tarification et souscription 

En matière de tarification, l’IA permet de mettre en place des modèles de tarification avancés capables de segmenter et de quantifier le risque de manière granulaire au niveau de chaque assuré. Cela permet de personnaliser davantage les primes et de gagner en précision du point de vue actuariel. Ratabase360 permet aux assureurs d’intégrer les résultats des modèles d’IA dans le calcul des primes. Ratabase Actuarial complète cette solution en permettant aux assureurs d’utiliser les résultats des modèles d’IA pour la tarification et l’expérimentation. 

Pour la souscription, l’IA met en évidence les données pertinentes en amont. Elle rationalise le flux de travail en réduisant les vérifications manuelles, à faible valeur ajoutée, afin que les souscripteurs puissent se concentrer sur les cas à enjeu important qui nécessitent une expertise humaine. Dans les deux cas, l’IA contribue à rendre la tarification toujours plus sophistiquée, à améliorer la précision des décisions et à accroître la productivité.

Détection et prévention de la fraude

L’IA permet également d’améliorer considérablement le processus de souscription grâce à des fonctionnalités avancées de détection des fraudes et de triage intelligent des données. Les modèles d’IA peuvent automatiquement mettre en évidence les cas à haut risque, exigeant une vérification de la part d’un souscripteur, en analysant les soumissions à la recherche de points de données anormaux et en regroupant les informations pertinentes provenant de sources internes et externes. Les équipes de souscription peuvent ainsi optimiser leur temps en se concentrant uniquement sur les demandes et les risques qui nécessitent une expertise et une supervision professionnelles. Dans le cadre du processus de réclamation, l’IA peut aider à identifier les réclamations potentiellement frauduleuses, sur une base individuelle, en examinant les réclamations dans leur ensemble afin d’identifier les schémas d’activité qui pourraient indiquer une fraude.

Trois approches pour l’adoption de l’IA

Une fois les coûts, les avantages et les risques compris, les assureurs disposent de trois approches possibles pour intégrer l’IA.

1. Concevoir sa propre solution

Élaborer des modèles d’IA exclusifs implique de développer des solutions personnalisées, adaptées aux besoins et exigences uniques de l’organisation. Cette approche garantit un niveau de personnalisation très élevé, un facteur potentiel de différenciation concurrentielle et la possibilité de générer une solution de propriété intellectuelle de grande valeur. Toutefois, cette approche sur mesure entraîne des coûts initiaux importants et nécessite des ressources ainsi qu’une solide expertise interne en matière d’IA dans les domaines de la science des données, de l’ingénierie et du développement de produits. Elle se justifie principalement lorsqu’aucune solution d’IA prête à l’emploi ne répond aux besoins d’un assureur.

2. Acheter et intégrer un modèle

La voie la plus courante pour adopter l’IA consiste actuellement à acheter des plateformes et des boîtes à outils préconstruites auprès de fournisseurs; CGI propose par exemple CGI PulseAI. Les assureurs achètent ces solutions d’IA prêtes à l’emploi, puis les adaptent et les intègrent à leurs systèmes et à leurs données pour des cas d’utilisation spécifiques. Cette approche permet de maintenir la résidence des données et la vérifiabilité complète, conformément aux exigences réglementaires. Elle fournit des capacités d’IA adaptées tout en garantissant le contrôle de la sécurité, de la confidentialité et de la gouvernance des modèles. 

3. Louer un modèle (logiciel service) 

La dernière innovation en matière d’adoption de l’IA consiste à consommer des modèles par le biais de logiciels-services et d’API. Azure Cognitive Services est un exemple de ce type de service. Cette approche permet aux assureurs d’accéder à des solutions d’IA de pointe tout en déléguant les frais d’infrastructure et d’hébergement à des fournisseurs. Les entreprises paient des frais de souscription ou d’utilisation plutôt que d’importantes dépenses initiales. Toutefois, il est indispensable de mettre en place des contrôles rigoureux de sécurité des données et de protection de la vie privée pour éviter que des informations exclusives ne soient intégrées dans des modèles génériques dont bénéficieraient d’autres clients. Pour négocier des conditions claires sur les droits, le contrôle et la monétisation des données, les fournisseurs de SaaS d’IA doivent faire preuve d’une grande sophistication technique. 

En résumé

La révolution de l’IA redéfinit des secteurs entiers, dont celui de l’assurance. Les entreprises qui parviennent à intégrer l’IA à tous les niveaux de leur activité, dans le respect des contraintes juridiques et réglementaires et tout en adhérant aux principes éthiques de l’IA, peuvent s’attendre à une amélioration de la productivité des employés, de la satisfaction des clients et de la rentabilité. Quelle que soit la voie suivie par l’assureur, la mise en œuvre de l’IA est un processus qui nécessite un alignement stratégique entre les opportunités et les risques. Ceux qui réussissent cette transition peuvent bénéficier d’un avantage concurrentiel de taille grâce aux capacités de transformation de l’IA.

CGI est un partenaire de confiance dans la mise en œuvre de l’IA et peut vous aider dans votre démarche. Communiquez avec nous dès aujourd’hui pour en savoir plus sur nos solutions et services d’IA ainsi que sur notre approche responsable de l’intelligence artificielle.

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À propos de l’auteur

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Directeur-conseil, prestation de services

Dans son rôle de directeur du développement de produits, Michael dirige une équipe hautement performante comprenant 50 professionnels des fonctions d’affaires et technologiques qui sont engagés dans l’exécution, la mise en œuvre et le soutien de Ratabase, un moteur de tarification et de règles inégalé ...