L’accélération de la transformation numérique est désormais l’enjeu majeur des organisations du secteur de l’énergie. Un tel élan n’est pas étonnant, puisque 81 % des dirigeants du secteur des services publics interviewés en 2016 dans le cadre de l’analyse CGI Global 1000 ont indiqué que la transformation en une entreprise numérique faisait partie de leurs principales priorités stratégiques.
Habituellement, le secteur de l’énergie évolue lentement, au rythme des cycles d’investissement des moyens de production et de distribution de l’énergie. Sa croissance était traditionnellement incrémentale, cadencée par ces cycles d’investissement et un cadre réglementaire. Au cours des dernières années, d’importants changements réglementaires ont ouvert le marché à la concurrence, promu les énergies renouvelables et l’efficacité énergétique, et donné de nouvelles responsabilités aux territoires, tout en veillant à préserver les équilibres économiques et sociaux, en particulier pour les plus démunis.
Force est de constater ces derniers mois l’accélération des réflexions et des prises de décision, dans la foulée de la COP21, pour s’adapter à des délais plus courts et plus proches de secteurs traditionnellement plus compétitifs comme les communications, les banques et la vente de détail, qui ont dû se transformer rapidement pour répondre aux exigences numériques élevées de leurs clients.
Sentiment d’urgence économique? Certainement.
L’année 2016 a vu les prix de marché et donc les revenus traditionnels de la fourniture d’énergie s’effondrer, à un moment où il est nécessaire d’engager des investissements pour maintenir, soutenir et construire les actifs de production en amont de la chaîne de valeur. Les grands acteurs désormais confrontés à ces cycles de marché ont vacillé et tâtonnent désormais pour trouver le bon modèle dans une équation économique complexe à plusieurs inconnus. L’expansion basée sur les évolutions réglementaires, les subventions et l’endettement à long terme n’est plus viable.
Il y a également – et avant tout au-delà de ce sentiment d’urgence – des tendances de fond accélérées par des cycles de maturité technologique de plus en plus courts. Tendances qui remettent en question les modèles d’affaires des grands acteurs traditionnels, ainsi que leurs structures organisationnelles, plus numériques, décentralisées ou territorialisées, à l’instar des réseaux énergétiques.
La première de ces tendances est la « plateformisation » de la chaîne de valeur de l’énergie. Cette tendance comporte de nombreuses caractéristiques. Les sources de production et de consommation sont de plus en plus décentralisées, poussées par le développement des énergies renouvelables. Les compteurs intelligents se généralisent, permettant la diffusion et l’échange de données brutes ou agrégées. La chaîne de valeur devient systémique, la valeur résidant dans la monétisation des données d’échanges. Les opérateurs de réseaux de distribution offrant des services de flexibilité, d’agrégation et d’innovation fleurissent, soutenus par des API de gestion. La tendance est à l’éclatement progressif des rôles et responsabilités sur une chaîne de valeur historiquement verticalement intégrée. Très bientôt, les chaînes de blocs accéléreront les modèles d’économie du partage, dans lesquels les « proconsommateurs » seront en mesure de revendre leur surplus d’énergie à des tiers, sans passer par un intermédiaire ou un tiers de confiance.
La seconde tendance est la place désormais centrale du consommateur final. C’est bien lui qui aujourd’hui choisit et pilote sa consommation d’énergie, en fonction de ses usages. La personnalisation des services aux consommateurs décale la valeur progressivement de l’amont vers l’aval. Cela a des répercussions sur tout le système énergétique : autrefois, on pilotait les centrales de production en fonction des prévisions de consommation et, progressivement, on pilote la consommation en fonction des prévisions des centrales, de plus en plus décentralisées. Cela refond également la relation client et les services qu’offriront demain les fournisseurs d’énergie ou leurs concurrents, en raison des progrès rapides réalisés dans le domaine des technologies numériques et mobiles et de la possibilité que GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) mène à la désintermédiation de la relation avec les clients. Piloter son énergie sera possible dans sa voiture, dans son entreprise, dans sa maison, à partir des réseaux sociaux ou d’applications mobiles. La stocker temporairement et à différents endroits sera également clé à l’avenir. Le développement de services de bout en bout, de la production décentralisée à la restitution de l’énergie en fonction de la demande, occupera le jeu concurrentiel.
La troisième tendance tourne autour du partage de l’innovation. L’innovation a certes toujours été essentielle dans un secteur qui repose fortement sur l’actif, où les investissements ont été massifs. Ce sont aujourd’hui les percées technologiques qui font évoluer la transformation du secteur de l’énergie. L’accélération des cycles de décision et de la mise sur le marché nécessitent une agilité, des compétences et des technologies qu’il est nécessaire d’aller chercher à l’extérieur des organisations traditionnelles. Les principaux joueurs du domaine numérique, tels que Google, Tesla et Apple, cadencent aujourd’hui les innovations technologiques, mais il y a également une myriade de jeunes entreprises venant s’agréger autour des acteurs traditionnels du secteur de l’énergie qui ont l’avantage d’avoir un grand nombre de clients et de données. Les prochains mois verront de nouveaux investissements dans les énergies renouvelables, les bâtiments connectés et la gestion du CO2. Les consommateurs emboîteront sans doute le pas, complexifiant encore davantage la chaîne de valeur de l’énergie.
Ces derniers mois ont vu s’enclencher la mutation numérique de la chaîne de valeur de l’énergie. Ceux à venir verront la généralisation des projets numériques et des projets pilotes lancés dans le but de faire avancer les objectifs de transformation. Mettre le cap sur la numérisation est crucial pour les acteurs traditionnels du secteur, faute de quoi ils risquent de voir des intermédiaires technologiques s’emparer de la valeur autour du triptyque « énergie décentralisée, stockage et accès direct au client ». L’arrivée massive de nouvelles entreprises entièrement numériques entraîne l’innovation, une nouvelle culture axée sur le numérique et de nouveaux modes de travail et de pensée, ce qui contribuera certainement à cette mutation nécessaire.
CGI collabore avec des chefs de file mondiaux dans la production d’énergie afin de les aider à saisir les nouvelles occasions de croissance parmi tous les changements rapides et complexes détaillés dans ce billet. Je serai heureux de discuter avec vous des façons dont nous pouvons vous aider à ouvrir la voie.