Alexandre Malric

Alexandre Malric

Directeur en charge des activités conseil pour le secteur Energy & Utilities - CGI Business Consulting

Meryll Pasquet

Meryll Pasquet

Directrice en charge des activités conseil pour le secteur Energie - CGI Business Consulting

Le réchauffement climatique s’accélère. Il impose d’agir plus vite et plus fort, à tous les niveaux : individuel, étatique, industriel. Les enjeux sont énormes. Mais la sobriété énergétique de la France est-elle atteignable ? Meryll Pasquet et Alexandre Malric, experts Énergie au sein de CGI Business Consulting, dressent l’état des lieux.

En termes de réchauffement climatique, quelles sont les différences entre les scenarii à +1,1 °C et +2° C, par rapport à 1900 ?

Meryll Pasquet : +1,1 degré, c'est la situation dans laquelle on est aujourd'hui et les conséquences sont déjà dramatiques ! On parle de 23 millions de réfugiés climatiques qui, au sein de leur propre pays, sont en train de migrer pour s'éloigner des côtes, fuir les épisodes de sécheresse, de canicule…. A +1,5° C, l’Amazonie pourrait devenir une savane. Il est urgent d’agir, parce qu'à partir du moment où on commencera à baisser nos émissions de gaz à effet de serre, il y aura un temps d'inertie avant que les températures ne commencent à baisser vraiment.

Alexandre Malric : Selon le dernier rapport du GIEC, trois milliards de personnes pourraient être impactées par le changement climatique à l'horizon 2050. C'est le tiers de l'humanité. C'est monstrueux. C'est un sujet d'urgence dont il faut s'emparer dès aujourd'hui.

Comment agir concrètement ?

Meryll Pasquet : On peut déjà tous agir à notre échelle. L’empreinte carbone moyenne d’un Français, c'est dix tonnes d'émissions de gaz à effet de serre par an. Ce qu'il faudrait, c'est descendre à deux tonnes. Calculer son empreinte carbone est un bon exercice pour se rendre compte des actions à mener au niveau individuel. Mais les actions individuelles, ça ne fait pas tout. Les entreprises aussi doivent se transformer pour réduire leurs émissions ; revoir leur dépendance aux énergies fossiles, optimiser leurs processus pour consommer moins d’énergie… C’est possible via l’innovation et un accompagnement ad hoc des salariés, des activités et des organisations.

chiffre clé décarbonation

Alexandre Malric : Une partie des changements sont à notre main, une autre partie dépend fortement des engagements politiques : la France, dans le cadre de sa stratégie nationale bas carbone, s'est engagée à être neutre en carbone à l'horizon 2050. Et l’initiative européenne « Fit for 55 » votée en 2021 par le Parlement européen a pour objectif la réduction de 55% des émissions de gaz à effet de serre d'ici à 2030. Il n’y a donc plus de temps à perdre pour réussir le double défi d’une production bas carbone et de la sobriété énergétique !       

Quels sont les enjeux de production ?

Alexandre Malric : Avec notre historique sur le nucléaire, on pourrait croire que la France bénéficie d’une énergie à bas carbone. Mais notre énergie reste quand même fortement liée à la combustion d’énergie fossile qui représente quasiment les deux tiers de notre consommation.

Meryll Pasquet : Le pétrole constitue 40% de notre consommation énergétique, le gaz fossile 20% : il va falloir réussir à s’en passer ! L’électrification des usages peut contribuer à réduire la consommation de gaz, mais ça ne sera jamais en totalité : la mobilité lourde ou certaines industries ne peuvent pas être électrifiées… De mon côté, j'interviens depuis plusieurs années pour des acteurs de la chaîne gazière. C’est tout le secteur gaz qui a enclenché sa transformation, notamment par le développement des nouveaux gaz comme l’hydrogène ou le biométhane qui permet de réduire de 90% les émissions de gaz à effet de serre par rapport au gaz fossile.

Alexandre Malric : En prime, aujourd’hui il n’y a aucune énergie sur laquelle la France est totalement autonome en termes de production. Pétrole, gaz, uranium, panneaux photovoltaïques, etc. : nous sommes dépendants d’autres pays dans le cadre d’une économie globalisée. Selon le dernier rapport RTE, entre 750 et 1 000 milliards d'euros sont à investir pour cette profonde transformation. Elle doit être menée sur tous les fronts, y compris sur la partie production avec les différents leviers que sont les énergies renouvelables, le nucléaire, le biogaz ou l’hydrogène.

La sobriété peut-elle être acceptable ?

Meryll Pasquet : C'est clairement un des enjeux du prochain mandat. La sobriété a été quantifiée à moins 90 térawatts-heure ce qui est assez conséquent. Cela peut porter sur les modalités de travail, l’habitat, les déplacements… Cela implique des changements profonds dans nos modes de vie. Il y a des innovations aujourd'hui qui nous permettent de mieux piloter - et donc de limiter - notre consommation d’énergie. Mais c'est vrai que dès qu’il y a un sentiment de dégradation de la qualité de vie, c'est plus difficilement acceptable par la population.

Alexandre Malric : Le curseur de la sobriété politiquement est très fin car on arrive vite à des actions perçues comme coercitives, peu désirables. On est sur un chemin de crête. Et pourtant, l'énergie qui consomme le moins de carbone, c'est celle qu'on ne consomme pas. Mais c'est aussi celle qui demande le plus d'arbitrages : 10 à 15 % de nos compatriotes ont déjà du mal à payer leur facture d'électricité, il ne faut pas les oublier et transformer l’énergie en produit de luxe.

A PROPOS DES EXPERTS

Alexandre Malric

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Directeur en charge des activités conseil pour le secteur Energy & Utilities - CGI Business Consulting

Directeur en charge des activités conseil pour le secteur Energy & Utilities chez CGI Business Consulting

Meryll Pasquet

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Directrice en charge des activités conseil pour le secteur Energie - CGI Business Consulting

Meryll Pasquet est Directrice en charge des activités conseil pour le secteur Energie au sein de CGI Business Consulting