Accès au travail, aux soins, à la culture… L’enjeu de la mobilité concerne tous les Français, sans exception. Usages, rôle de l'État, nouvelles technologies : Aline Delatte, Manager Mobilités et Stéphane Buonanno, Vice-Président Transports et Mobilités au sein de CGI Business Consulting font le point.
Pourquoi la mobilité est-elle un enjeu fort pour les citoyens ?
Aline Delatte : Les questions de mobilité concernent tout le monde, sans exception. Ce n'est pas une option de se déplacer, c'est une nécessité ! C'est d'ailleurs un droit qui est inscrit au code des transports depuis la loi Loti de 1982. La mobilité, c'est l'accès au travail, aux services de santé, à la culture. Aujourd'hui, 23 % des Français doivent refuser un emploi ou une formation en raison de difficultés liées au transport.
Stéphane Buonanno : La mobilité est au cœur de nos préoccupations chez CGI Business Consulting. Tout d'abord parce que nous accompagnons des collectivités, des institutions publiques et des opérateurs sur le sujet. Sur un plan prospectif, nous tentons d'imaginer le futur des mobilités au sein de cercles de réflexion que nous animons avec des partenaires, publics et privés. L’idée est d’anticiper les mobilités de demain pour qu'elles soient plus durables, plus stables économiquement et plus frugales sur le plan écologique.
Comment prendre en compte la diversité des usagers et de leurs besoins ?
Aline Delatte : L'analyse des données d'usage nous permet de mieux comprendre les déplacements du quotidien en fonction des profils socio-économiques et des besoins de chacun. Mais aussi d'identifier précisément les inégalités entre le monde rural, urbain et périurbain. Il est important d'identifier les publics minoritaires dont les déplacements sont moins « connus » pour proposer une véritable offre de mobilité pour tous. Je pense notamment aux femmes pour des questions de sécurité ou aux personnes en situation de handicap ou âgées pour des raisons évidentes d’accessibilité aux transports publics.
Stéphane Buonanno : Savez-vous que 75 % de Français utilisent leur voiture pour leurs déplacements du quotidien mais qu’une majorité souhaite s’en passer ? Il y a là une contradiction qui fait réfléchir. Il faut se poser la question : la mobilité est-elle choisie ou subie ? Par exemple, 12 % de la population française n'a pas le permis de conduire et près de trois millions de personnes ne peuvent pas utiliser leur véhicule individuel pour des raisons financières. De plus, les situations sont géographiquement tranchées. Ainsi, les territoires ruraux représentent 25 % de la population française, avec des revenus inférieurs à la moyenne nationale et des coûts de déplacements bien plus importants que ceux d’un Francilien qui dépense en moyenne 40 € par mois pour se déplacer sur l'intégralité de la région Ile-de-France.
Quel est le rôle de l'État pour accompagner les évolutions en termes de mobilités ?
Aline Delatte : Il est primordial et central ! L'Etat est proactif, entre autres par la loi d'orientation des mobilités (LOM) votée en 2019, qui renforce les compétences mobilité, en particulier dans les territoires ruraux. Aujourd'hui néanmoins, avec l'émergence des nouvelles mobilités comme le covoiturage ou l’autopartage, les collectivités et l'Etat doivent prendre de nouvelles responsabilités pour les organiser, les réguler et, bien sûr, les financer.
Stéphane Buonanno : C'est sur ce sujet que le bât blesse aujourd'hui, à la fois en termes de financement et de responsabilité. Si on prend l'exemple des territoires périurbains – 15 % de la population, en forte croissance –, il y a un accès insuffisant aux nouvelles mobilités. Les collectivités doivent y étendre leurs offres de transport pour les rendre plus accessibles à l'ensemble des citoyens. C’est possible, entre autres grâce à des partenariats avec des acteurs privés. A la clé : des coûts financiers limités et un impact écologique plus faible que le véhicule individuel.
Dans ce contexte, quel est le rôle du digital ?
Aline Delatte : Les technologies numériques permettent d'agréger les différentes offres de transport et de fluidifier leur accès de manière très simple via des applications mobiles. C'est un bénéfice pour les usagers mais aussi pour la collectivité et les opérateurs. Car les applications digitales permettent via l’open data d'obtenir des données pertinentes sur les usages, les attentes et les questions que se posent les voyageurs.
Stéphane Buonanno : Les données de l’open data sont malheureusement encore insuffisamment exploitées alors qu’elles permettraient avantageusement aux collectivités d'imaginer « l'offre de demain », au service de tous les citoyens, à un coût inférieur aux offres actuelles. Pour résumer, les technologies numériques permettent d’exploiter au mieux les données de fréquentation et d'usage pour modéliser les besoins des usagers et leur proposer l’offre de transport la plus adaptée.