Ruptures technologiques d’un côté, révolution économique de l’autre. Et si le salut des entreprises venait de la DSI et de sa maîtrise du capital informationnel ? Décryptage d’Adrien Raque, directeur des activités conseil innovation & fusions-acquisitions chez CGI Business Consulting.
Quelles sont, selon vous, les ruptures majeures que doivent affronter les directions informatiques aujourd’hui ?
Adrien Raque : Les DSI font aujourd’hui face à un enjeu économique sans précédent. Nous passons d’une ère régie par la valorisation des actifs tangibles à une valorisation des actifs intangibles : les données. C’est ainsi que Snapchat détient la même estimation de vente que le groupe Bouygues, grâce à son capital informationnel considérable. Pour prendre ce virage, les entreprises doivent donc se reposer sur leurs propres données.
Et qui mieux que le Chief Information Officer, le DSI, pour mener à bien cette transformation ? De manière schématique, son métier se divise en trois grandes missions autour de l’information : la capter, la transformer et la diffuser. Or, sur chacun de ces volets, nous faisons face à des ruptures technologiques majeures : les Big Data bouleversent la captation d’informations, le Cloud repense les processus de transformation des informations et les technologies liées au Bring Your Own Device (BYOD) ou au digital workplace revoient la façon dont cette information est diffusée dans l’entreprise. Pour résumer, nous sommes en train de vivre un virage économique considérable au moment même où surviennent des changements technologiques majeurs. La DSI se retrouve donc face à un défi sans précédent : se moderniser en tirant parti de l’information déjà présente dans le SI de son entreprise.
En quoi jouer la carte du legacy face aux ruptures technologiques constitue-t-il un atout pour les DSI ?
Le stock de données accumulé par la DSI depuis sa création représente une véritable opportunité : il s’agit d’un formidable gisement d’informations à exploiter. Cela fait des années qu’elles recueillent des données contrairement aux nouveaux entrants. Elles peuvent donc, par exemple, étudier les comportements des consommateurs sur plusieurs décennies quand une start-up ne dispose que d’une photo quasi instantanée, incapable de discerner les mouvements cycliques ou saisonniers.
En revanche, les nouveaux entrants détiennent généralement un avantage clé : leurs coûts de fonctionnement sont beaucoup moins élevés que ceux des acteurs traditionnels. Et c’est là que la modernisation IT joue pleinement son rôle. Ses objectifs sont doubles : à la fois réduire les coûts de fonctionnement du legacy et se tourner vers l’innovation.
La modernisation IT sert donc, en partie, à replacer l’information au centre du SI ?
En effet : le principal enjeu de la modernisation IT, c’est de remettre le capital informationnel au cœur de la DSI. Aujourd’hui, 80 % des budgets de la DSI sont consacrés aux technologies quand environ 20 % sont destinés au capital informationnel. C’est un peu comme si l’on misait tout sur la qualité du verre et non sur celle du vin. Il devient donc indispensable pour les DSI de se doter d’un agrégateur de services. C’est la mission des entreprises de services numériques (ESN), capables de gérer l’ensemble des technologies. De cette manière, les directions informatiques se consacrent entièrement à la maîtrise de leur capital informationnel.
Mais cela ne doit pas se faire dans la précipitation. Les DSI doivent avant tout s’appuyer sur la stratégie d’entreprise et les besoins métiers. L’erreur serait de tout vouloir faire en même temps. Les stratégies « Big bang » dans lesquelles les DSI lancent tous les projets en parallèle (Big Data, cloud, mobilité) ne fonctionnent pas. Il faut, à l’inverse, focaliser son énergie sur ce qui permet à l’entreprise d’accentuer son avantage concurrentiel, c’est-à-dire ce qu’elle maîtrise le mieux : son client. La modernisation IT permet de replacer l’information au centre du SI, facilitant ainsi l’entrée des organisations dans l’ère de la nouvelle économie.