Pour atteindre les objectifs de carboneutralité et d’économie verte, on demande de plus en plus aux organisations de déclarer avec transparence les risques financiers découlant des changements climatiques. Dans cet épisode de notre balado Parlons transition énergétique, les experts de CGI Rich Hampshire, Matthew Ayearst et Peter Warren discutent de l’avenir du marché énergétique et du rôle que jouent le Groupe de travail sur l’information financière relative aux changements climatiques (GIFCC), les données ainsi que la collaboration dans l’évolution de ces déclarations et de la transition énergétique.
Analyser les marchés locaux pour prédire l’avenir du marché mondial
Compte tenu des nombreuses dynamiques de marché qui entrent en jeu, de l’incertitude géopolitique et économique, et de l’importance accordée aux changements climatiques à l’échelle mondiale, il est naturellement difficile de prévoir l’avenir du marché énergétique dans son ensemble. Pour comprendre l’orientation future du marché mondial, M. Hampshire suggère donc d’évaluer d’abord la situation et le développement actuels des marchés locaux.
M. Warren convient que les défis varient d’une région à l’autre et qu’il n’est pas réaliste de faire des hypothèses englobant la totalité du marché. Par exemple, l’Australie produit beaucoup d’énergie solaire, mais compte très peu de véhicules électriques, alors que dans d’autres pays comme la Norvège, c’est l’inverse.
Selon M. Hampshire, la rapidité du développement de nouvelles technologies constitue un autre défi. « Nous ne savons pas nécessairement à quoi ressemblera la courbe d’apprentissage pour certaines de ces technologies », affirme-t-il.
Diversification croissante du marché : source de défis et d’occasions
Cependant, ce qui est certain, c’est que l’avenir nous réserve un marché énergétique plus diversifié. « Je ne crois pas que les rôles demeureront les mêmes », ajoute M. Warren. Il cite en exemple une société énergétique espagnole qui a commencé à produire de l’hydrogène pour un usage industriel, et une entreprise de la Norvège qui a transformé d’anciennes usines de traitement de hareng en usines de production d’hydrogène.
M. Hampshire suppose toutefois que la diversification dépendra surtout de l’économie et des investissements. « Je crois que les entreprises fonderont davantage leurs décisions d’investissement sur leurs priorités stratégiques », suggère-t-il.
Les concurrents non traditionnels ajoutent aussi à la complexité. Par exemple, M. Warren souligne le fait que certains fournisseurs d’air comprimé et d’hydrogène se préparent actuellement à faire concurrence aux sociétés énergétiques. M. Hampshire ajoute que les fabricants automobiles perçoivent les véhicules électriques comme une occasion d’élargir leur offre de services et de renforcer leurs relations avec leurs clients.
Bref, même si les défis sont bel et bien réels, il existe également des occasions pour les acteurs traditionnels et non traditionnels. « Je crois que la conversion des stations d’essence en postes de chargement de voitures électriques recèle plusieurs possibilités pour les sociétés gazières et pétrolières en aval », déclare M. Hampshire.
Ces changements obligeront les entreprises à s’adapter rapidement et, dans plusieurs cas, à modifier leur modèle d’affaires. M. Warren donne l’exemple d’une entreprise qui prévoit de mettre sur pied deux services de TI entièrement distincts : l’un dédié à son offre de gaz naturel, et l’autre à son offre d’hydrogène. Pourquoi? « Parce que cette approche lui donne l’occasion de se moderniser, d’alléger ses outils et d’innover, mais aussi parce que si un organisme de réglementation l’oblige à diviser son entreprise, elle sera prête à le faire », explique-t-il.
La divulgation d’information relative aux changements climatiques : un enjeu pour le conseil d’administration
À mesure que le marché se complexifie, la normalisation et les données deviennent de plus en plus importantes pour optimiser les investissements, l’efficacité, l’interopérabilité et la portée. Selon M. Ayearst, l’adoption des recommandations du GIFCC normalisera une grande partie des rapports et donnera lieu à la transparence que recherchent les investisseurs.
Croyant que le GIFCC « changera la donne », M. Hampshire est d’avis que ses répercussions sur la capacité d’accéder au capital, de sécuriser les activités et d’attirer les investissements le rendent indispensable pour sensibiliser les conseils d’administration aux risques découlant des changements climatiques.
La divulgation d’information relative aux changements climatiques recèle aussi des possibilités. « De nombreux investisseurs s’intéressent beaucoup à l’économie verte », affirme M. Ayearst. Les finances durables stimuleront les activités et l’intérêt pour une économie verte et propre. Il explique que certains de ces produits permettent aux entreprises d’intégrer leurs objectifs de durabilité à leurs obligations ou prêts pour que la poursuite du financement soit conditionnelle à l’atteinte de ces objectifs. Les entreprises qui investissent ou qui convainquent les investisseurs d’investir dans les projets verts ont aussi droit à une réduction des coûts d’emprunt (appelé « prime verte » ou « greenium » en anglais).
La responsabilité sociale et la réputation sont aussi des considérations importantes. « Certaines organisations bâtissent des communautés entières, même ici en Alberta, au Canada, par la mise en œuvre de projets vraiment intéressants, affirme M. Warren. L’un de nos clients de cette région est actuellement alimenté à 20 % par de l’hydrogène et il compte construire un lotissement qui le sera à 100 % d’ici la fin du projet. »
Les données accéléreront l’atteinte de résultats
Presque tout repose sur l’exploitation de données exhaustives de qualité. « Les données nous aideront à gagner la confiance des investisseurs et à atteindre un degré de transparence qui permettra d’évaluer et de paramétrer les projets, ce qui fera avancer la science, les projets et le financement », affirme M. Ayearst. M. Warren est d’accord : « Dans nos conversations avec nos scientifiques des données, nous mettons surtout l’accent sur l’exploitation des données en vue de prendre des mesures concrètes. Autrement dit, les données n’ont pas nécessairement besoin d’être parfaites, mais elles doivent être d’une qualité suffisante pour inciter les gens à passer à l’action en toute confiance. »
Cependant, pour atteindre ce degré de visibilité, une interopérabilité mondiale des systèmes et des données est indispensable. « Les gens doivent être assurés qu’ils comprennent les données qu’ils reçoivent, et que ces données sont recueillies selon des normes semblables pour pouvoir les utiliser afin d’évaluer les risques et de prendre des décisions éclairées », déclare M. Hampshire.
C’est ici que les politiques et réglementations entrent en jeu. « Si les indicateurs de performance, les politiques, les réglementations et les règles du marché en vigueur dans chaque territoire ou région sont clairs, les gens comprendront mieux les données dont ils ont besoin pour guider leurs décisions », ajoute-t-il. Cette clarté est également essentielle pour l’adoption de politiques fondées sur des données probantes.
La collaboration : la clé de l’économie verte
Pour accélérer les progrès, les décideurs politiques, les organismes de réglementation, les entreprises et les fournisseurs doivent unir leurs forces. « Les décideurs politiques et les organismes de réglementation ont autant d’importance et d’influence dans le marché que les entreprises. Je crois que nous devons miser davantage sur la collaboration plutôt que d’agir en vase clos », explique M. Hampshire. Il ajoute que certains décideurs politiques et organismes de réglementation ont déjà commencé à répertorier de façon proactive les obstacles freinant les activités ou les investissements, et cherchent à les surmonter pour accélérer la démarche de carboneutralité des gouvernements et des entreprises.
M. Ayearst cite l’exemple de la loi américaine sur la réduction de l’inflation (U.S. Inflation Reduction Act), qui permettra d’investir près de 400 milliards de dollars dans la décarbonisation. « Selon moi, cette loi démontre que certains gouvernements perçoivent cette situation comme une occasion de sécurité et de croissance économiques, en plus de pouvoir créer des emplois de qualité et hautement spécialisés pour l’avenir », ajoute M. Hampshire.
Pour progresser, il ne faut non pas que percevoir la durabilité comme une dépense supplémentaire, mais plutôt comme une source d’occasions. « Lorsque les gens commenceront à voir l’économie verte comme une source de possibilités plutôt qu’une source de dépenses, et les critères ESG comme une occasion plutôt qu’une attaque contre leur modèle d’affaires, je crois que les choses changeront », conclut M. Warren.
Écoutez d’autres balados de la série