Lorsque nous discutons de grands réseaux de chaînes de blocs avec nos clients, ces derniers s’inquiètent souvent de leur consommation énergétique élevée. Pourtant, en réalité, seuls quelques réseaux sont réellement énergivores. Voici pourquoi.
La technologie de chaîne de blocs peut renforcer la confiance que les utilisateurs accordent aux systèmes de distribution. La façon dont cette confiance est établie a une incidence sur la quantité d’énergie consommée. Pour mériter la confiance des utilisateurs, le plus grand défi consiste à maintenir la cohérence des données dans l’ensemble du réseau afin que tous aient accès à une version identique et définitive des faits.
Pour comprendre la consommation énergétique des chaînes de blocs, il faut d’abord comprendre le concept d’algorithme de consensus. Ce type d’algorithmes repose largement sur des preuves cryptographiques afin d’assurer la cohérence d’un ensemble de données distribué. Chaque algorithme de consensus est le résultat d’un vote dans le cadre duquel une unité centrale de traitement équivaut à un vote.
Ces réseaux font appel à des principes de consensus majoritaire afin de maintenir la sécurité. Selon cette approche, les participants d’une chaîne de blocs peuvent atteindre un consensus (ou voter) sur ce qui constitue un historique de transactions unique et valide.
Extensibilité ou performance?
Puisque les premiers réseaux de chaînes de blocs (p. ex., Bitcoin et Ethereum) sont sans permission, tous peuvent prendre part au mécanisme de consensus. Le principal avantage de ce type de réseaux publics réside dans leur caractère très sécuritaire. Lorsque de nombreux utilisateurs contribuent à l’algorithme, les résultats sont forcément plus fiables. Cependant, le processus de décompte des votes devient également plus laborieux et plus complexe. La performance est donc considérablement inférieure à celle des réseaux de transactions conventionnels.
Il s’agit du plus grand dilemme lorsqu’il est question de chaînes de blocs : doit-on favoriser l’extensibilité ou la performance?
Les réseaux avec permissions privilégient quant à eux la performance, au détriment de l’extensibilité. Les technologies avec permissions sont donc déployées au sein de consortiums où les participants sont connus d’avance, et l’accès peut être limité aux entreprises présentes dans un système donné.
Il existe plusieurs approches en matière d’algorithmes de consensus,et l’incidence sur la consommation énergétique varie d’une approche à l’autre. Voici quelques exemples et cas d’utilisation (liste non exhaustive).
1. « Preuve de travail »
La preuve de travail (« proof of work » ou PoW en anglais) est le premier algorithme de consensus et demeure le plus courant. Comme son nom le suggère, il repose sur l’exécution d’une tâche par les utilisateurs pour satisfaire au principe de consensus majoritaire. La preuve de travail exige la résolution d’une équation mathématique complexe en alliant probabilité statistique et puissance de calcul. Lorsqu’un utilisateur, souvent appelé mineur, trouve la bonne réponse, on estime que le mineur contribue au renforcement de la confiance distribuée et il est donc récompensé pour son travail. Cet algorithme est particulièrement utile dans les réseaux de grande envergure où des inconnus s’échangent une certaine forme de valeur, comme c’est notamment le cas pour de nombreuses solutions technologiques financières (FinTech).
L’augmentation de la puissance de calcul n’a aucune incidence négative à long terme sur les mineurs, et elle améliore la probabilité à court terme de résoudre l’équation et d’obtenir une compensation. Par contre, puisque le calcul en soi nécessite une certaine quantité d’énergie, la consommation énergétique augmente proportionnellement à la puissance. Et c’est exactement ce qui est arrivé. À l’heure actuelle, la chaîne de blocs Bitcoin consomme autant d’énergie qu’un pays européen moyen (figure 1).
Figure 1 : La croissance exponentielle de la puissance de calcul du réseau Bitcoin se traduit par une consommation énergétique estimée à 42 TWh par année. Source : Bitinfocharts*
2. « Preuve d’enjeu »
La preuve d’enjeu (« proof of stake » ou PoS en anglais) est la solution de rechange la plus connue. La preuve d’enjeu récompense elle aussi les mineurs qui entretiennent le réseau. Mais, contrairement à la preuve de travail, où la probabilité de résoudre l’équation varie en fonction de la puissance de calcul, la preuve d’enjeu est fondée sur la valeur que détient le mineur. La probabilité statistique d’obtenir une compensation augmente beaucoup plus rapidement lorsqu’elle est proportionnelle à la valeur que lorsqu’elle dépend de la puissance de calcul, ce qui limite la consommation énergétique. La preuve d’enjeu est en concurrence directe avec la preuve de travail, et est donc utilisée dans des contextes semblables.
3. Tolérance aux « fautes byzantines » en pratique
La tolérance aux fautes byzantines (« Byzantine fault tolerance » ou BFT), un concept bien connu en informatique, est souvent utilisée pour résoudre le problème des généraux byzantins. Ce dernier survient lorsqu’une décision doit être prise par consensus au sein d’un réseau, mais qu’un nombre inconnu de membres sont traîtres et fournissent de l’information fausse. La tolérance aux fautes byzantines en pratique permet de renforcer ce type de tolérance au sein de vastes réseaux intégrés, puisque le processus de consensus majoritaire est valide même si un tiers des nœuds sont fautifs. Cependant, ce concept augmente la vulnérabilité des réseaux aux attaques Sybil, où l’attaquant crée suffisamment de fausses identités pour atteindre la majorité. Cette technologie est donc seulement utilisée au sein de consortiums où les utilisateurs établissent les règles du réseau en collaboration. Elle est pertinente pour les secteurs des services publics, de la logistique, de la gestion de la chaîne d’approvisionnement et de la cybersanté, entre autres.
4. Graphe acyclique dirigé
Le graphe acyclique dirigé, ou l’approche Tangle proposée par IOTA*, est l’un des algorithmes de consensus les plus récents. Cet algorithme vise à ce que chaque nœud de transaction prenne part au processus de consensus en vérifiant une ou plusieurs transactions précédentes. Pour valider les transactions précédentes, cet algorithme exécute une minuscule quantité d’essais de preuve de travail pour chaque transaction afin que la consommation énergétique soit minime comparativement aux plateformes traditionnelles de preuve de travail. Ainsi, la chaîne n’est pas formée d’une série de blocs devant établir un consensus, mais de transactions comprenant leur propre consensus. Dans cette optique, le graphe acyclique dirigé n’est pas une chaîne de blocs, mais plutôt une technologie de grand livre distribué.
La principale difficulté associée à cet algorithme consiste à éviter de valider les mêmes transactions plusieurs fois. Le graphe acyclique dirigé offre une extensibilité illimitée et des transactions sans frais. Par conséquent, cette technologie est souvent utilisée dans les communications intermachines, telles que celles entre les véhicules autonomes, les infrastructures et les appareils ménagers intelligents, et les applications de l’Internet des objets.
Choisir la bonne plateforme selon l’utilisation prévue
Il va sans dire que la sélection est vaste lorsqu’il est question de technologies de chaînes de blocs et de grand livre distribué. Certaines plateformes offrent des fonctionnalités mieux adaptées à certains cas d’utilisation qu’à d’autres, et chacune consomme une quantité d’énergie variable. Il n’existe aucune solution universelle (pour l’instant). Si la façon dont vous comptez utiliser ces technologies ne correspond pas à la plateforme que vous aviez en tête, il est très probable qu’une autre plateforme réponde à vos besoins, qu’elle soit accessible immédiatement ou en cours de développement.
Tout comme Internet, la chaîne de blocs n’a pas été créée en une seule journée. Au fil de son évolution, on s’efforcera de trouver une solution au dilemme fondamental entre performance et extensibilité. Entre-temps, nous pouvons nous concentrer sur la sélection de la plateforme la plus appropriée à notre utilisation prévue afin d’optimiser les résultats et l’efficacité énergétique.
Je vous invite à en apprendre davantage au sujet de la chaîne de blocs et du secteur de l’énergie dans notre étude technique Les opportunités de la blockchain pour le secteur de l’énergie.