Gérer le facteur humain en mode projet requiert une stratégie et une ligne de conduite. Une stratégie oriente les actions qui vont suivre et leur donne un sens. Celle-ci doit être simple et facilement comprise par tous les acteurs du changement : haute direction, direction de projet, équipe de projet, gestionnaires et destinataires du changement. La stratégie émerge d’un diagnostic organisationnel qui comprend plusieurs éléments comme la légitimité du projet, la capacité à changer ou la grille des attitudes face au changement. La grille des attitudes fait d’ailleurs l’objet de notre propos actuel. De fait, mon équipe et moi l’utilisons systématiquement depuis plusieurs années.
Un croisement de deux variables
La grille des attitudes est une fenêtre résultant du croisement de deux variables : changement souhaité et changement attendu. Elle est fondée sur le principe que nous réagissons différemment selon que le changement est souhaité ou non et selon qu’il est attendu ou non. Un changement souhaité est un changement que nous désirons, qui nous fait plaisir, qui règle notre problème et améliore notre situation. Pensons à l’achat d’une voiture neuve ou à une promotion désirée depuis longtemps. Par contre, un changement non souhaité, comme la perte de nos clés ou le décès d’un proche, nous irrite ou nous blesse. Un changement attendu est un changement que nous pouvons prévoir. Le vieillissement ou la fructification de ses placements font partie de cette catégorie. Un changement inattendu est un changement qui nous surprend, qui n’est pas prévu, comme un gain à la loterie.
Lorsque l’on croise ces deux variables, nous obtenons quatre possibilités. À chaque possibilité correspond une attitude, tel qu’illustré ci-dessous.
- Le changement attendu et souhaité ‒ Ce type de changement mène à un sentiment joyeux. Nous sommes satisfaits, voire enthousiastes, de la tournure des événements. C’est le cas lors de la naissance d’un enfant désiré; il n’y a pas de surprise, nous le voulions et il nous arrive donc un événement fort heureux. La même chose se produit dans une organisation lorsque l’on annonce un projet de mise à jour d’un logiciel que nous savions vieillot et que nous utilisions avec frustration.
- Le changement non attendu et non souhaité ‒ Ce changement est tout le contraire du précédent. Le changement nous prend par surprise; c’est même un choc dans certains cas et il est loin de nous faire plaisir, il nous frustre et nous fait souffrir. Pensons à la perte d’une maison détruite par les flammes. Pensons à une mise à pied qui n’a pas été annoncée et qui nous laisse sous le choc. Pensons à la maladie subite d’un enfant ou au départ inattendu du patron que nous apprécions. Toutes ces situations nous heurtent, nous rendent plus ou moins malheureux.
- Le changement souhaité, mais non attendu ‒ Le changement est apprécié, mais nous sommes surpris : une baisse de taxe inattendue, un héritage d’un oncle méconnu, une promotion que nous n’attendions plus, la venue d’un enfant après des années de tentatives infructueuses, une augmentation de salaire non planifiée. Nous sommes surpris, nous aimerions y croire, mais nous demeurons sceptiques. Est-ce que je rêve? Cela est-il possible?
- Le changement non souhaité, mais attendu ‒ Nous savons que la durée de vie de notre animal de compagnie est plus courte que la nôtre. Nous nous attendons donc à ce qu’il meure avant nous. Nous nous résignons le cas échéant. Le même phénomène survient lors du départ d’un collègue à la retraite. Sur un plan plus matériel : nous savons que notre ordinateur bien-aimé ne durera pas; même situation à la fin de nos vacances ou à la fin d’un projet qui nous a emballés. Nous adoptons alors une attitude de résignation face à ce type de changement.
Le tableau ci-dessus nous indique aussi deux zones, situées à droite. La zone du bas est la zone de résistance, de non-collaboration au changement; nous sommes paralysés par le choc ou circonspects en raison de la bonne nouvelle. La zone du haut est la zone de collaboration. Nous sommes prêts à participer au changement qui se présente à nous parce que nous comprenons que c’est inévitable ou avantageux. Les attitudes ayant été déterminées, le moment est venu d’établir les stratégies appropriées, ce qui sera abordé dans la partie 2.