Lorraine Joyes est Vice-présidente en charge des activités conseil CIO Advisory au sein de CGI Business Consulting et pilote du groupe de travail « Gender equity » pour l’unité d’affaires stratégique Ouest et Sud de l’Europe.
Pourquoi parler des préjugés et stéréotypes de genre ?
Je trouve que notre communication cette année sur les préjugés et les stéréotypes de genre est importante, car il y a encore des préjugés inconscients dans les organisations et cela de manière générale.
Cela se traduit par des comportements qui ne sont pas égalitaires sans que l’on en ait conscience de prime abord. Par exemple, je constate que pour interpeller ou nommer une femme, on va souvent utiliser une expression comme « miss », « mistinguette » ou encore « cocotte ». C'est inapproprié dans le contexte professionnel. Ces appellations qui peuvent apparaître comme une marque de sympathie ne font que renforcer un écart de traitement. Ce biais inconscient est beaucoup plus rare quand on s’adresse à un homme. Chacune et chacun de nous peut ainsi adopter un comportement différent en fonction du genre de son interlocuteur, et cela de façon complètement inconsciente. L’identification et la prise de conscience de ces attitudes d’une autre génération me semblent être un premier pas indispensable.
Inconsciemment, les modèles managériaux classiques et les attendus du leadership correspondent aussi à certains stéréotypes. Par exemple, le fait qu’un(e) manager ait et exprime des émotions ne correspond pas à l’attendu traditionnel, que ce soit un homme ou une femme. Nous sommes donc toutes et tous impactés de ces préjugés. Cela dit, les choses évoluent et l’expression, la compréhension émotionnelle, deviennent des qualités du leadership attendues et reconnues par les nouvelles générations.
Ces nouvelles générations sont aussi moins confrontées aux questionnements liés à la maternité. Il y a encore 10 ans, l’idée préconçue qu’une femme serait a priori moins investie à son retour de congé maternité était répandue. Aujourd’hui, les mentalités ont évolué et même si nous restons très en retard par rapport à d’autres pays concernant les congés maternité et paternité, la maternité n’est selon moi plus un blocage au développement de carrière des femmes. Encore faut-il rassurer, expliquer que l’entreprise peut et sait s’adapter. Par exemple, le management est souvent vu par les plus jeunes comme une contrainte, une charge de travail qui ne permet pas de maintenir un équilibre pro/perso qui correspond à son propre équilibre de vie. Chez CGI, on peut adapter son emploi du temps pour préserver sa vie personnelle. Les personnes avec qui je travaille savent par exemple que le mardi après 17h je préserve du temps pour le passer avec ma fille et cela ne pose pas de problème.
Pourquoi parler plus spécifiquement des préjugés concernant les femmes dans le monde des technologies ?
Tout simplement parce que nous avons besoin de plus de femmes dans nos métiers où la complémentarité des points de vue est essentielle. C’est particulièrement vrai dans le domaine numérique et de l’IA (Intelligence Artificielle) : des solutions développées sans prendre en compte la vision des femmes génèrent des biais. D’après les études de l’UNESCO sur le sujet, « il est prouvé que d'ici 2022, 85 % des projets d'IA donneront des résultats erronés en raison de préjugés si l'IA en tant que technologie et en tant que secteur n'est pas plus inclusive et diversifiée ». Ce n’est pas faute d’essayer de recruter des femmes, mais bien une pénurie de talents féminins.
Aujourd’hui, nous faisons face à un manque d’attractivité des filières scientifiques et technologiques auprès des femmes. Trop peu s’orientent vers les métiers du numérique, alors que ce secteur offre énormément d’opportunités.
Qu’est-ce que le groupe de travail Gender Equity ?
Il s’agit d’un réseau interne de femmes et d’hommes qui travaillent ensemble pour accélérer la transformation vers l’équité professionnelle chez CGI.
CGI compte aujourd’hui en France 32% de femmes dans ses équipes, une proportion en progression continue et au-dessus de la moyenne des entreprises du même secteur d’activité. Pour plus d’équité professionnelle, nous sommes conscients que le changement doit être structurel. L’équité, autrement dit la capacité à atteindre la même représentativité de femmes à tous les niveaux hiérarchiques de l’organisation, est le fruit d’une somme d’actions.
Au travers de la démarche Gender Equity, nous nous donnons l’objectif de booster cette équité en activant tous les leviers : détection et fidélisation des talents, politiques de recrutement et d’attractivité volontaristes et, politique d’accompagnement volontariste, communication et sensibilisation de tous, sans oublier la mise en place d’outils pour mesurer nos avancées.
Pour commencer « à la source » et donner envie à plus de filles et de femmes de rejoindre nos métiers, nous intervenons dans les écoles et les universités pour faire connaître nos métiers et nos opportunités de carrières (programme FACE et WIFilles) et nous systématisons les stages de 3e.
Côté communication et sensibilisation, nous invitons régulièrement nos collaboratrices et nos collaborateurs à des moments d’échange, des shoots d’inspiration, avec des femmes et des hommes inspirants issus du monde des affaires, du sport ou encore du milieu artistique.
Au-delà de ces actions, l’accompagnement et l’attention portée à nos collaboratrices sont bien sûr un axe clé. Cela peut aller du simple partage de bonnes pratiques telles que la sensibilisation aux horaires de réunion, à la mise en place d’un programme de mentoring ou de mises en situation.
Une centaine de nos collaboratrices a ainsi bénéficié du programme « Défi 100 jours » avec l’Effet A. Ce programme a pour objectif d’aider les femmes à définir, formaliser et affirmer leurs ambitions, quelles qu’elles soient. Il permet aussi et surtout de prendre conscience des points de blocage, des limites que l’on s’impose à soi-même, pour oser faire ce que l’on a envie de faire et s’épanouir sans se mettre de barrière.
Alors, l’équité, un projet d’entreprise ?
Oui. Aujourd’hui, la plupart des dirigeants reconnaissent que les comités incluant des femmes sont plus efficients. Ce n’est plus seulement un sujet RH ou de communication, ce n’est pas non plus un « non sujet », mais à mon sens un sujet d’organisation.
Chez CGI, nous avons le soutien et l’implication de notre équipe de direction. Le fait que le sujet soit piloté et monitoré est d’ailleurs un signe de son importance.
C’est un sujet global pour lequel il faut impliquer tout le monde, les partenaires sociaux, les hommes et les femmes à tous les niveaux de l’entreprise, en proposant des leviers qui permettront d’aller de l’équité vers la parité.