Les dirigeants d’entreprise subissent des pressions croissantes en vue de répondre à l’évolution des mandats environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) et des exigences des parties prenantes. De plus, ils doivent tenir compte d’innombrables autres facteurs qui perturbent le marché et qui sont pratiquement impossibles à prédire ou à contrôler.
De nombreux dirigeants cherchent à comprendre la véritable valeur commerciale du développement durable et son incidence sur leur organisation. Ils sont toutefois confrontés au paradoxe « opportunités versus défi », c’est-à-dire la nécessité de créer de la valeur à long terme pour les parties prenantes et d’accroître le rendement du capital investi (RCI) rapidement.
Dans ce blog, j’aborde les raisons pour lesquelles le développement durable doit faire partie des « activités courantes » des entreprises à l’avenir, de manière à faire coexister les profits et le développement durable.
Idées clés
- Bien que les enjeux de développement durable soient de plus en plus complexes, les sanctions et la perte de parts de marché seraient beaucoup plus coûteuses.
- Tout comme la santé et la forme physique, le développement durable dépend de nouvelles solutions pérennes.
- Le développement durable exige un nouvel état d’esprit et un nouveau modèle, ainsi qu’une perspective plus large.
- Il est possible de faire coexister le profit et une véritable stratégie de développement durable.
Bien que les enjeux de développement durable soient de plus en plus complexes, les sanctions et la perte de parts de marché seraient beaucoup plus coûteuses.
Depuis 2020, nous avons connu de nombreux bouleversements à l’échelle mondiale, qu’il s’agisse de la pandémie et des perturbations de la chaîne d’approvisionnement qui en ont découlé, de la guerre en Ukraine qui entraîne d’autres conflits géopolitiques, des catastrophes environnementales qui se succèdent, de la dissidence citoyenne influencée par les médias sociaux ou d’une crise énergétique mondiale. La liste est longue. Nous avons assisté à l’entrée en vigueur du pacte vert (EU Green Deal) et de la taxonomie de l’Union européenne, à la directive sur l’établissement de rapports de durabilité pour les entreprises et à une loi sur la réduction de l’inflation adoptée par les États-Unis (Inflation Reduction Act). Nous avons également constaté une hausse des investissements non réglementés en matière d’ESG et de pratiques d’écoblanchiment de la part des entreprises.
La combinaison de ces événements a mis à mal la mondialisation et, avec elle, l’idée que les entreprises peuvent s’autoréguler et relever seules les défis environnementaux et sociaux. Comme le confirme le message de 2022 d’António Guterres, Secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies à la suite du lancement du rapport du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC), la législation et les sanctions ne cesseront de croître dans un avenir prévisible.
Devenir durable – et en faire la preuve – peut être perçu comme un fardeau financier. Toutefois, ne pas engager cette transformation pourrait s’avérer bien plus coûteux.
Tout comme la santé et la forme physique, le développement durable dépend de nouvelles solutions pérennes.
Le contexte actuel du secteur du développement durable et des stratégies ESG nous rappelle celui de l’industrie de l’alimentation dans ses années les plus glorieuses, qui étaient riches en tendances du moment et en belles promesses. De même qu’un régime sans glucides n’est pas la panacée pour une santé optimale, une vision qui se limite aux émissions de carbone ne l’est pas non plus pour lutter contre les changements climatiques.
D’après ma propre expérience professionnelle en matière de développement durable depuis plus d’une décennie, de l'évaluation extra-financière à la gestion d'actifs ESG en passant par la mise en place de stratégies RSE afin d'intégrer le développement durable et de mesurer son impact, j’avais systématiquement en tête : « Les politiques en place et notre approche de gestion des enjeux de développement durable améliorent-elles concrètement les choses? »
Prenons l'exemple de l'embauche d'un entraîneur personnel coûteux qui donne une liste longue et intimidante d'exercices vagues et de conseils nutritionnels, sans tenir compte de la personnalité, du style de vie, des intérêts ou des objectifs de la personne qu'il entraîne. La personne peut finir par faire les choses dans le mauvais sens, dans le mauvais ordre. Peut-être même mettre sa santé en danger et finalement perdre sa motivation parce qu’elle n’a pas atteint son objectif ou n’est pas sensiblement en meilleure santé ou en meilleure forme.
La santé humaine et le développement durable des entreprises ont ce point en commun : elles sont à la fois complexes et tributaires de nombreuses variables. Ce qu’il faut, c’est apporter des changements durables de style de vie, et non un programme de remise en forme rapide. Il faut du temps, de l’expérience, des essais et de l’expertise pour atteindre ses objectifs de santé tout en conciliant vie privée et travail. Il en va de même pour les entreprises qui s’efforcent de trouver un équilibre entre le développement durable et la croissance financière. Il s’agit d’un long cheminement, qui constituera une expérience enrichissante à forte valeur ajoutée s’il est bien réalisé.
Le développement durable exige un nouvel état d’esprit et un nouveau modèle, ainsi qu’une perspective plus large.
Bien que la plupart des leaders des fonctions d’affaires reconnaissent que le développement durable est une approche rationnelle et qu’il faut déployer des efforts considérables en ce sens, nombre d’entre eux ne savent pas où commencer ni de quelle manière véritablement l’intégrer à l’ADN de leur organisation.
Autrement dit, s’efforcer de trouver un équilibre entre le développement durable et la croissance financière exige un nouvel état d’esprit et un nouveau modèle qui tiennent compte de l’écosystème plus vaste dans lequel une organisation exerce ses activités et génère des revenus, non seulement à court terme, mais aussi à long terme et au-delà. Les entreprises doivent passer du modèle de construction-appauvrissement à celui de construction-soutien tout en recourant à des moyens générant une croissance économique dans ce nouveau modèle. Elles doivent également adopter une perspective plus large qui tient compte de tous les facteurs interreliés de cet écosystème. Une visibilité accrue et des données pertinentes sont par ailleurs essentielles à leur survie dans cette nouvelle ère.
Il est possible de faire coexister le profit et une véritable stratégie de développement durable.
Le développement durable et la croissance financière ne s’excluent pas mutuellement. Voici les principaux facteurs à prendre en considération pour déterminer comment créer cet équilibre entre les deux et façonner votre stratégie.
- Commencez par évaluer la situation globale actuelle de votre entreprise en matière de santé environnementale, sociale et de gouvernance ainsi que votre position dans la chaîne de valeur afin d’évaluer au mieux votre empreinte environnementale. Ensuite, grâce à des outils technologiques, procédez à des analyses environnementales en vue de soutenir l’automatisation, la validation, l’enrichissement, la visibilité, etc., et de recueillir des données exactes et exploitables qui améliorent votre prise de décisions en matière de stratégie ESG.
- Prenez du recul pour examiner la situation dans son ensemble afin de repérer les schémas et les tendances utiles sur le marché mondial (méga, macro et méso) et ainsi comprendre la complexité sous-jacente du développement durable. Recourez à une approche systémique pour vous atteler à cette tâche. Vous serez ainsi en mesure de vous concentrer sur les actions les plus profitables pour votre entreprise et d’éviter de vous laisser influencer par les conseils d’activistes ou de trop vous attarder sur des questions qui brouillent la trajectoire à long terme.
- Soyez transparent et réaliste. Les entreprises doivent mieux comprendre ce qui risque de nuire à leur croissance à long terme et mieux discerner les problèmes qu’elles sont en mesure de résoudre et ceux pour lesquels il est rationnellement inutile de s’efforcer de trouver une solution parce qu’elles sont hors de leur portée ou ne touchent pas directement leurs activités. Il faut ensuite communiquer clairement ses observations en fournissant des preuves à l’appui. La crédibilité et l’authenticité seront très utiles dans un monde où l’information est accessible en permanence. Par exemple, le taux d’émissions de votre entreprise est peut-être faible, mais votre consommation d’énergie renouvelable est inefficace, et le gaspillage important généré dans votre chaîne d’approvisionnement constitue une occasion de revenus manquée en plus d’être un obstacle à votre écosystème d’affaires.
- Collaborez avec les partenaires de votre écosystème d’affaires afin de relever collectivement les défis en matière de développement durable et de générer de nouvelles sources de revenus. Minimisez les risques et les coûts d’investissement en créant des partenariats.
- Méfiez-vous de toute entreprise qui promet d’être un guichet unique pour tous vos besoins en matière de transformation durable. Le développement durable étant un sport d’équipe par excellence, établissez des partenariats avec des entreprises enclines à collaborer avec d’autres dans un système interrelié. Les bons consultants sont en mesure de vous fournir des données pertinentes et différents points de vue, et de soutenir votre leadership pour vous permettre de prendre des décisions réfléchies.
C’est là que réside la véritable valeur du développement durable. Tous les efforts, le partage et la collaboration nécessaires à l’obtention d’une visibilité globale de votre chaîne de valeur commerciale vous permettront non seulement d’anticiper votre prochain coup sur l’échiquier, mais aussi de profiter d’une vue d’ensemble du plateau de jeu, de la table, des joueurs et de la pièce.
En fin de compte, le coût et l’efficacité dépendront de la capacité à faire en sorte que le développement durable soit « intégré » plutôt que « greffé » aux activités de l’entreprise (comme dans le cas de la cybersécurité il y a plusieurs années), et du fait que cette stratégie constitue une approche à long terme plutôt qu’une solution rapide. Un processus bien suivi vous permettra de disposer de données de qualité pertinentes à la prise de décisions éclairées, d’entrevoir de nouvelles possibilités de revenus et de vous adapter rapidement à ce qui vous attend.
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