Avec une valeur estimée à plus de 2 000 milliards de dollars en 2025[1], le marché du paiement attise la convoitise. Pour preuve, l’exemple d’Ant Financial, filiale financière du géant technologique Alibaba qui devrait être introduite en bourse à plus de 225 milliards de dollars, soit 4 fois la valeur de BNP Paribas.
Cette omniprésence des géants technologiques dans notre quotidien ainsi que les fonds toujours plus importants levés par les fintechs (626 millions d’euros sur la seule année 2019[2]), menacent directement les entreprises traditionnelles du secteur. Ces nouveaux acteurs bénéficient d’une réglementation favorable (DSP 1 et 2 en Europe), d’une meilleure maîtrise des nouvelles technologies et d’une plus grande capacité à s’adapter aux nouveaux usages grâce notamment à une relation privilégiée tissée avec le client final. Qui sont-ils et quelles stratégies de réponse les banques doivent-elles adopter ?
Un marché des paiements aux acteurs multiples
Les nouveaux acteurs du marché des paiements peuvent être regroupés en trois catégories : les géants technologiques, les fintechs et les autres sociétés à fort potentiel.
- Les géants technologiques regroupent les GAFAM et autres grandes entreprises digitales (Samsung, Paypal). Ces « big tech», prescriptrices des nouveaux usages digitaux pour les consommateurs ont acquis une puissance financière considérable qui favorise leur diversification dans les paiements. Cependant, la prise en compte de l’intérêt général ainsi que des mesures telles que le RGPD jouent en leur défaveur : aucune d’entre elles n’est européenne et la plupart ont bâti leur proposition de valeur à partir d’une exploitation décomplexée des données à caractère personnel.
- Les fintechs, grâce à leur utilisation de technologies plus récentes (Big Data, Machine learning, Blockchain, etc.) et plus flexibles (Cloud, API, SaaS, etc.), ont construit des services plus ergonomiques, plus transparents, moins chers en réponse aux besoins du consommateur. Elles ont réussi à se positionner comme des alternatives pertinentes face aux acteurs traditionnels considérés moins client-centric et agiles. Néanmoins, ces startups sont encore très dépendantes des financements externes pour pouvoir développer leurs activités et asseoir leur modèle économique.
- Les acteurs à fort potentiel intègrent les opérateurs de télécommunication et les entreprises de grande distribution ou de commerce de proximité. Les premiers ont acquis une forte expérience du « Mobile Banking » dans les pays émergents et peuvent capitaliser sur leur importante base client en tant que fournisseur de services courants (internet, téléphone…). Les seconds bénéficient de la richesse des données collectées lors des actes de paiement du quotidien pour étendre leurs services de fidélisation aux services financiers : paiement en crypto-monnaie, paiement en plusieurs fois, crédit anticipé pour des petits montants….
- A date, très peu de ces entreprises réussissent à passer les barrières d’entrée qu’impose le marché bancaire : les investissements requis, tant en termes d’infrastructure technologique que de connaissance métier, dissuadent toute incursion directe.
Face à l’intensité de la concurrence, renforcée par une conjecture des taux bas et d’une crise sanitaire impactant fortement l’économie, les banques traditionnelles ne peuvent se permettre de délaisser un marché aussi conséquent que celui des paiements. Elles doivent capitaliser sur leur image qui reste positive et stable auprès de leurs clients et ajuster leur stratégie de transformation pour faire progresser leur capacité d’innovation.
La réponse des banques traditionnelles
Plusieurs initiatives ont été lancées en France et soutiennent différentes stratégies, en fonction de leur coût et de leur portée interne ou externe. Sur l’ensemble de la chaîne de valeur des paiements, une ou plusieurs stratégies peuvent être activées, en fonction des besoins de la banque.
- Le ciblage d’organisations externes (fintechs, concurrents…) sur lesquels s’appuyer pour renforcer son offre, augmenter ses parts de marché, avoir accès à une nouvelle technologie : acquisition, prise de participation, partenariat de structure…Exemple : Les acquisitions de Monext, Leetchi ou Pumpkin par le groupe Arkea
- L’exploration de propositions co-construites avec l’ensemble des parties prenantes (clients, prospects, étudiants, collaborateurs, écosystème, etc.) pour identifier celles qui apporteront le plus de valeur : organisation de Hackathon, programme de co-expérimentation, incubateur externe… Exemple : Le Village by CA du groupe Crédit Agricole qui est un réseau d’incubateurs et d’accélérateurs présent en France et à l’international
- La transformation de son organisation vers plus d’ouverture, d’innovation et d’agilité pour mieux répondre à l’évolution des usages clients. Exemple : L’Atelier, filiale du groupe BNP Paribas qui analyse et suit depuis presque 40 ans les nouvelles tendances technologiques et les comportements clients
- La sensibilisation de ses ressources internes aux nouvelles pratiques et aux nouveaux usages pour faire d’elles des moteurs de transformation et d’innovation. Exemple : Le Square du groupe Arkea développe la créativité et la capacité des salariés à entreprendre sous forme de communauté, d’incubateur, de formation ou d’ateliers en interne
Malgré les investissements importants, les menaces demeurent fortes et les risques d’échecs nombreux. On peut citer pour exemple l’abandon par le groupe BPCE de son projet de banque en ligne après l’acquisition de Fidor en 2016, ou les impacts dramatiques du scandale Wirecard sur le secteur des paiements.
Les banques traditionnelles doivent adopter une démarche pragmatique pour défendre leurs parts de marché.
Une approche en 5 temps doit être favorisée :
- Faire un état des lieux des initiatives de transformation et d’innovation existantes au sein de l’organisation pour évaluer sa maturité, ses points forts et ses lacunes : refonte du SI, réorganisation ou nouvelle organisation interne, partenariat ou acquisition d’une nouvelle structure, programme d’acculturation, test ou lancement de nouveaux produits et services, etc.
- Analyser son écosystème (organisation interne, filiales, concurrents, nouveaux usages…) et les meilleures pratiques du marché (synergies, nouvelles technologies, nouveau modèle organisationnel…) pour détecter les opportunités les plus pertinentes compte tenu de l’existant (Legacy IT, moyens financiers, besoins clients critiques, culture d’entreprise…)
- Cadrer une stratégie opérationnelle qui embarque toutes les parties prenantes (clients, collaborateurs, directions, partenaires…) et fixer des objectifs quantifiables (ROI, TTM, part du PNB…)
- Mettre en œuvre un processus de pilotage de la performance et de la satisfaction client (NPS, CSAT, …) pour garantir leur amélioration continue et être réactif dans la prise de décision
- Conduire le changement de son organisation vers une structure organisationnelle centrée sur le client et proposer une démarche d’acculturation des collaborateurs au digital
Les équipes CGI Business Consulting accompagnent les acteurs du secteur financier pour co-construire une stratégie sur-mesure permettant de répondre à ces enjeux.