3 questions à Christophe Bellet, Délégué Développement Biométhane chez GRDF
Où en est la filière biométhane en France ?
La filière biométhane représente aujourd’hui une opportunité de diversification pour le mix énergétique français et un moyen, non négligeable, de décarboner notre économie. C’est dans une logique d’économie circulaire, par la revalorisation de déchets organiques, que la méthanisation constitue une source d’énergie mais aussi une source d’engrais bas carbone pour nos agriculteurs.
Cette filière représente à l’heure actuelle 84 sites qui injectent sur l’ensemble des réseaux de gaz français pour une capacité d’injection de 1,4 TWh. Le potentiel de production de gaz renouvelable à partir de la méthanisation de matière organique, déterminé par une étude conduite par l’ADEME[1], est d’environ 140 TWh soit une couverture de 30 à 50% de la demande de gaz en 2050 suivant le scénario choisi.
Le biométhane est aujourd’hui une énergie souhaitée par les Français et cela a été exprimé fortement lors du débat public organisé en juin 2018 dans le cadre du débat piloté par la Commission nationale du débat public (CNDP). C’est une énergie souhaitée par les agriculteurs et soutenue par plusieurs associations agricoles dont la FNSEA, l’association des Agriculteurs Méthaniseurs de France et les Jeunes Agriculteurs. C’est également une énergie recommandée par des ONG environnementales pour qui elle constitue un levier de décarbonation et d’économie circulaire efficace. C’est enfin une énergie souhaitée par les territoires qui voient en elle un moyen de redynamiser leur économie locale.
Pourquoi, alors, la Programmation pluriannuelle de l’énergie (PPE) a-t-elle diminué les objectifs de cette filière dans ses dernières annonces ?
La PPE met en avant la nécessité d’opérer une baisse drastique des coûts de production du biométhane en France pour maintenir des objectifs ambitieux à la filière. En effet, la comparaison du coût d’importation du gaz naturel et du coût de production du biométhane implique un financement public conséquent. Toutefois, le bond de productivité imposé à la filière biométhane dans le projet de PPE est très important et n’a jamais été demandé à aucune autre filière. La filière biométhane a
plus que jamais besoin de visibilité, de stabilité tarifaire et de subventions, au moins jusqu’en 2023, pour ne pas mettre en risque l’ensemble des projets en cours. Une trajectoire telle que proposée dans ce projet de PPE aurait un impact négatif sur de nouveaux emplois durables non-créés, mais également sur ceux d’exploitations agricoles aujourd’hui en difficulté.
Tous les acteurs de la filière biométhane sont conscients et mobilisés pour engager une baisse des coûts. Néanmoins, la trajectoire fixant une diminution de 30% des coûts en quatre ans est irréaliste. Une étude menée par le cabinet ENEA a montré qu’il était envisageable d’optimiser le coût de 30% à horizon 2030 sur la base d’une hypothèse de rehaussement des volumes de production de biométhane de 30% par rapport à aujourd’hui. L’abaissement de l’objectif à 2023 et 2030 n’est pas de nature à améliorer l’optimisation des coûts. En effet, la baisse des coûts d’une filière est en général directement liée aux perspectives de volumes associés afin de permettre des économies d’échelle et la massification des achats.
Au-delà de la baisse de coûts, un point crucial pour la filière est de faire changer les mentalités sur le coût direct du biométhane qui ne prend pas en compte les bénéfices apportés par les externalités positives. La réduction des émissions de gaz à effet de serre, la relocalisation d’emplois, la dynamisation de la filière agricole, la fourniture d’engrais biologiques, les impacts sur la qualité des eaux et la suppression des odeurs liées à l’épandage de fumier et lisier remplacé par le digestat, sont autant de points positifs qui viennent alléger certains budgets de l’état. Cependant, ceux-ci ne sont pas pris en compte dans la comparaison de la compétitivité entre le biométhane et le gaz naturel.
Quelles solutions dans ce contexte pour remettre le biométhane sur le devant de la scène et démontrer l’intérêt de soutenir le développement de la filière ?
Au-delà du changement de paradigme sur l’évaluation du coût des énergies, il y a plusieurs moyens de diminuer les coûts que ce soit sur la production du biométhane, sur sa valorisation dans notre économie ou encore sur le financement des unités de méthanisation.
Sur le plan de la valorisation du biométhane, un des enjeux de la filière et des opérateurs de réseaux plus particulièrement est de pouvoir développer le réseau et l’injection de biométhane à moindre coût afin d’avoir les infrastructures et les équipements qui permettent une flexibilité du réseau pour l’injection de gaz renouvelable à grande échelle. Ceci s’accompagne d’une nécessité d’équiper le réseau pour optimiser sa conduite. C’est bien un binôme indissociable "équipement + Conduite" qui permettra de maximiser la valorisation du biométhane dans nos réseaux de gaz.
Par ailleurs, mais ceci ne relève pas des compétences de GRDF, tout un travail sur la maximisation du pouvoir méthanogène des intrants conduirait à une diminution non négligeable des coûts de production tout comme la réduction des coûts de production des intrants.
Mais c’est bien une réflexion de filière, sur l’ensemble de la chaîne de valeur du biométhane, qui doit s’opérer pour répondre aux demandes de la PPE et donner une place à cette énergie qui s’inscrit parfaitement dans la logique de transition amorcée par la France, qu’elle soit énergétique ou écologique.
[1] Etude intitulée "Un mix de gaz 100% vert en 2050" et publiée en 2018