Nouvelles attentes et exigences des consommateurs, durabilité, résilience : les entreprises sont confrontées à des enjeux majeurs en matière de Supply Chain. Pourquoi adopter une approche intégrée, de bout en bout, est-elle aujourd’hui indispensable ?
Quels sont les pré requis à la mise en œuvre d’une Supply Chain end-to-end ? Isabelle Bouchoucha, Guillaume Siboni et Alexandre Lucas, tous trois spécialistes de la Supply Chain au sein de CGI Business Consulting, répondent à nos questions.
Quels sont les grands défis des organisations en matière de Supply Chain ?
Les entreprises font face aujourd’hui à un triple défi aux enjeux antagonistes :
- Des clients exigeants sur les produits, les services et leur impact environnemental.
Elles doivent composer avec une demande de plus en plus volatile qui, au-delà d’attentes en matière de fiabilité, de coûts et de délai devenues des standards du marché, s’accompagne de nouvelles exigences des consommateurs intégrant l’impact ESG des entreprises dans leurs décisions d’achat.
- Des chaines d’approvisionnement moins résilientes mises à mal ces dernières années par la succession de crises sanitaires, économiques et géopolitiques, et perturbées par la surréaction des parties prenantes de la chaîne qui surstockent pour se protéger d’un manque d’approvisionnement. La conséquence étant un décalage entre le besoin réel de consommation (sell-out) et la réelle nécessité de stocks (sell-in) générant des gaspillages, des besoins en réactivité et flexibilité industrielle imprévus et coûteux impactant les employés et, globalement, un besoin en fonds de roulement plus important et plus difficile à financer en période inflationniste.
- Le défi majeur de la durabilité et en particulier des Supply Chain pour répondre aux objectifs de réduction significative de leur impact environnemental voire la neutralité d’ici 2050.
Pourquoi une approche de bout-en-bout de la chaine d’approvisionnement est-elle nécessaire pour construire une Supply Chain plus durable ?
La voie vers une Supply Chain plus résiliente et responsable passe par plusieurs leviers structurels :
- L’amélioration des paramètres structurants de la Supply Chain (leadtime, flexibilité industrielle, sourcing stratégique, design network, etc.),
- Une prise de décisions plus rapide pour faire face aux aléas de plus en plus imprévisibles, en intégrant l’analyse systématique de scénarii alternatifs (« what-if ») et le positionnement des décisions au plus proche de l’action dans la mesure du possible,
- Le développement de la connaissance et des compétences de la Supply Chain dans toutes les fonctions de l’entreprise,
- L’ouverture aux écosystèmes (fournisseurs, clients, réseaux de distribution, prestaires logistiques, collectivités, etc.).
C’est ce dernier point qui permet de réaliser un saut de performance durable. En s’ouvrant aux écosystèmes, les entreprises sont en mesure de :
- Mutualiser leurs ressources pour optimiser leur usage (pooling entrepôts, transport, usines…) et ainsi réduire l’impact environnemental des opérations,
- Gérer efficacement les pénuries d’approvisionnement en synchronisant les différents planning des acteurs, en s’alignant sur le besoin du client final de l’écosystème et en limitant de ce fait les perturbations inutiles créées par des décisions isolées (sur-commandes, bullwhip, délai de mise en œuvre des décisions …),
- Développer des chaines logistiques intégrées répondant aux exigences des consommateurs (maitrise RSE, traçabilité, recyclage / circularité, …)
Cela ne peut se faire que par une approche Supply Chain de bout-en-bout, basée sur la recherche du fonctionnement optimum de la chaine d’approvisionnement.
Y a-t-il des transformations indispensables pour réussir la mise en place d’une Supply Chain end-to-end ?
La Supply Chain end-to-end peut se mettre en œuvre concrètement et progressivement par des collaborations « win – win » entre les différentes parties prenantes.
Ainsi, le pilotage intégré et global des opérations des différents partenaires peut favoriser une meilleure visibilité des acteurs engagés et permettre une gouvernance commune stratégique de la Supply Chain. Cette approche soutient la durabilité des chaines d’approvisionnement, à la fois en matière de résilience par une gestion plus efficace des risques de pénurie d’approvisionnement ou de de surstocks inutiles – en évitant les travers liés aux comportements individuels – et en matière de sobriété par la synchronisation et la mise en commun des ressources de chaque acteur.
Sa mise en application suppose cependant quelques évolutions :
- La mise en place de processus décisionnels et opérationnels collaboratifs partagés entre les différentes parties prenantes,
- L’intégration des systèmes d’information des différents acteurs via des data platform et des solutions d’échanges de données maitrisées par l’ensemble des acteurs, en cohérence avec la législation,
- La mise en œuvre de plateformes digitales partagées permettant l’échange et le partage de données, condition préalable à la mise en place d’outils de simulation permettant d’élaborer des scénarii et d’offrir des services à l’écosystème pour améliorer la performance globale durable (jumeau numérique de la Supply Chain end-to-end),
- Une évolution en cohérence des processus de pilotage de la Supply Chain pour chacune des parties prenantes,
- Un accompagnement des équipes dans cette transition.
Quid d’un tiers de confiance ? Est-il nécessaire de prévoir une telle intervention ?
Dans la pratique, cette mise en place d’une Supply Chain end-to-end nécessite souvent l’intervention d’un ou plusieurs tiers de confiance indépendant des acteurs, garant de la sécurité, de la confidentialité et de l’usage à bon escient des données partagées et pertinent pour proposer des scénarii efficients d’optimisation globale de la chaine d’approvisionnement, voire des services de soutien à l’économie de la filière (financement, etc..).
La mise en œuvre de ces tiers de confiance pourrait être facilitée par une « commandite » des organisations professionnelles de filière type GIFAS(1) pour l’aéronautique, PFA(2) pour l’automobile ou encore GICAT(3) pour l’industrie de la défense.
- Groupement des Industries Françaises Aéronautiques
- La Plateforme Automobile
- Groupement des industries françaises de défense et de sécurité terrestres et aéroterrestres