Adrien Tuza

Adrien Tuza

Directeur en charge des activités conseil pour le secteur de la distribution spécialisée – CGI Business Consulting

Tolgay Öztürk

Tolgay Öztürk

Responsable en charge des activités conseil pour le secteur retail - CGI Business Consulting

Erell Favrel

Erell Favrel

Consultante pour le secteur Retail et Luxe – CGI Business Consulting

Adoptée en février 2020, la loi AGEC (anti-gaspillage) a pour objectif de transformer en profondeur notre modèle économique afin de passer d’une économie linéaire à une économie circulaire.

Chaque année, de nouvelles mesures sont intégrées à cette loi, marquant ainsi un pas de plus vers la durabilité et la responsabilité environnementale. À titre d'exemple, "l’information du consommateur sur les qualités et caractéristiques environnementales des produits du textile et de l’habillement" est devenue une obligation légale le 1er janvier 2023. Si la mise en conformité présente nécessairement des contraintes, les marques peuvent y trouver des opportunités à forte valeur ajoutée. Les acteurs du textile et du luxe n’échappent pas à la règle…

Développer de nouveaux canaux de distribution

La loi AGEC interdit aux marques de textile, linge de maison et chaussures de détruire leurs produits neufs invendus. Les producteurs et distributeurs doivent donc repenser la fin de vie de leurs produits en donnant, réemployant, réutilisant ou recyclant leurs invendus. Ainsi, il leur est nécessaire d’identifier le meilleur canal de distribution.

Certaines marques de mode adoptent des business models innovants afin de limiter la surproduction tels que la production raisonnée à la commande, à la demande ou en précommande, comme par exemple la marque Asphalte qui propose des vêtements durables et de qualité, fabriqués de manière responsable. Par ailleurs, d’autres marques proposent plutôt la revalorisation et le réemploi de l’existant grâce à la seconde main. Encore boudé il y a quelques années, le marché de la seconde main est en pleine expansion. Publiée en octobre 2022, une étude du Boston Consulting Group et de Vestiaire Collective estime que le marché de l’occasion représenterait aujourd’hui 3% à 5% de l’ensemble du secteur de l’habillement, de la chaussure et des accessoires. Un rapport du revendeur d’articles de mode de seconde main thredUP en partenariat avec le cabinet d'analyse GlobalData indique que le marché mondial de la mode d'occasion devrait doubler d'ici 2027 pour atteindre 350 milliards de dollars. Cette pratique est désormais bien ancrée dans les habitudes de consommation, puisque sept personnes sur dix achètent des vêtements de seconde main pour des raisons écologiques ou économiques. A l’inverse, deux Français sur trois revendraient leurs vêtements pour gagner un peu d’argent, d’après une enquête publiée en avril 2022 par la plateforme site-annonce.fr.

A titre d’exemple, en septembre 2022, Balenciaga lançait Re-sell, sa plateforme de seconde main. Le concept est de collecter auprès du vendeur les vêtements et accessoires dont il souhaite se séparer. Une fois récupérés, les produits sont identifiés, authentifiés et pris en charge par Reflaut, spécialiste de la revente grâce à un réseau partenaire composé de 25 marketplaces. Le vendeur peut choisir de recevoir le montant de la vente par le biais d’un virement bancaire ou sous la forme d’un bon d’achat Balenciaga, majoré à hauteur de +20% de sa valeur afin d’encourager l’économie circulaire.

De son côté, Petit Bateau propose de reprendre les vêtements de seconde main et de les remettre en vente dans 22 points de vente ou sur son site e-commerce, en échange d’un bon d’achat. Les articles trop usés sont quant à eux revalorisés afin d’en faire du fil recyclé. Petit Bateau a également dévoilé en octobre 2022 son nouveau service de location de vêtements pour bébé. Les consommateurs n’ont qu’à se rendre sur la plateforme dédiée de la marque et ils y trouveront des box déjà composées sur les thèmes de la naissance, du jour, de la nuit, à petits prix ou des box à composer parmi des centaines de références produits.

Traçabilité géographique des étapes de production

Règlementée par la loi AGEC, la traçabilité environnementale des vêtements et chaussures est obligatoire et sera demain la norme. Alors qu’il est possible d’indiquer qu’un produit est « made in France » dès lors que sa dernière transformation a été réalisée en France, il faut désormais également être transparent sur l’ensemble de la chaîne de fabrication en indiquant les pays dans lesquels ont été réalisés le tissage, la teinture, l’impression et la confection. De plus, il faut partager les indicateurs suivants : le rejet des microfibres, la présence de substances toxiques, les matériaux recyclables et le taux de recyclabilité. La traçabilité représente un critère de taille que les clients ne manquent pas de considérer lors de leur acte d’achat et qui peut les amener à préférer une marque par rapport à une autre.

La société française Fairly Made accompagne les marques dans la traçabilité de leurs produits et les aide à se conformer à la loi AGEC. La solution permet de surveiller l’ensemble d’une chaîne d’approvisionnement en collectant des données auprès des usines, en centralisant et en stockant la base de données fournisseurs sur la plateforme et contribue à calculer et améliorer l’empreinte des produits. Ainsi, le consommateur est informé du parcours complet des produits, de la matière première à l’entrepôt. A titre d’exemple, la marque Maje (groupe SMCP) utilise déjà cette solution. Autre exemple avec la marque Chloé qui a dévoilé une collection capsule, Chloé Vertical, dont chacune des pièces est traçable et identifiable de l’usine au magasin grâce à un QR code qui donne accès à la provenance des matières du produit acheté, des conseils sur son entretien et ses possibilités de réparation et, qui fait également office de certificat de propriété. Cela permettra à l’acheteur de revendre en quelques clics sa pièce sur le site de seconde main de luxe, Vestiaire Collective, partenaire de cette collection capsule.

Informer sur les caractéristiques environnementales

La loi AGEC prévoit qu’en 2024 un scoring environnemental soit mis en place pour les vêtements. Dans ce but, des expérimentations ont été menées en 2022 afin de tester différentes méthodes de calcul. Cela a permis de définir huit critères d’impact environnemental, à savoir la consommation d’eau utilisée, la durabilité physique des textiles, la valorisation des conditions de production en France ou en Europe, l’utilisation de pesticides et de produits chimiques, les rejets de microplastiques, la valorisation des matières recyclées, la valorisation des textiles reconditionnés et l’impact de la fast fashion. Pour tester la nouvelle méthode de calcul de cet eco-store, un simulateur d’évaluation produit a été mis en ligne par le ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires (Simulateur | Ecobalyse (beta.gouv.fr)).

Par ailleurs, la startup Clear Fashion permet aux consommateurs de vérifier rapidement la durabilité et l'impact environnemental des vêtements qu'ils envisagent d'acheter. L’application fournit des informations transparentes sur les marques de mode, en évaluant leur empreinte écologique, leur impact social et leur transparence. Grâce à cette application, les utilisateurs peuvent prendre des décisions d'achat plus éclairées et favoriser des marques respectueuses de l'environnement et des droits des travailleurs. Clear Fashion utilise un scoring qui fonctionne sur une échelle de 1 à 100 construite sur l’analyse de 150 critères. Le produit reçoit une note sur 100 évaluant son impact global. Cette solution propose une vision simple et transparente pour le consommateur final.

La loi AGEC pousse les acteurs du textile et du luxe à repenser leurs pratiques et à adopter des approches plus durables. Tout en imposant des contraintes, cette loi offre également des opportunités d'innovation et de différenciation pour les marques. Ceux qui sauront s'adapter et répondre aux attentes des consommateurs en matière d'économie circulaire, de traçabilité et d'information environnementale seront les mieux positionnés pour prospérer dans un monde où la durabilité est désormais un enjeu majeur.

A PROPOS DES EXPERTS

Adrien Tuza

Adrien Tuza

Directeur en charge des activités conseil pour le secteur de la distribution spécialisée – CGI Business Consulting

Adrien Tuza est Directeur en charge des activités conseil pour le secteur de la distribution spécialisée chez CGI Business Consulting

Tolgay Öztürk

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Responsable en charge des activités conseil pour le secteur retail - CGI Business Consulting

Tolgay Öztürk est responsable en charge des activités conseil pour le secteur retail. Notamment spécialisé sur les problématiques liés à la mise en conformité de la loi AGEC et la transformation des processus métiers, Tolgay accompagne ses clients de la grande distribution et de la ...

Erell Favrel

Erell Favrel

Consultante pour le secteur Retail et Luxe – CGI Business Consulting

Erell Favrel est consultante pour le secteur Retail et Luxe. Erell accompagne ses clients dans la transformation de leurs processus métier, et dans le développement de stratégies marketing data-driven. Elle intervient également sur les problématiques liées à la mise en conformité à la loi AGEC. ...