"Save Fuel, Save Money, Save the Planet" : un slogan marquant et une ambition affirmée pour OpenAirlines. Cette entreprise basée à Toulouse aide les compagnies aériennes à réduire leur consommation de kérosène grâce au big data.
"C'est avoir tort que d'avoir raison trop tôt," assurait Marguerite Yourcenar dans ses Mémoires d'Hadrien. Certaines entreprises osent pourtant contredire l'écrivaine, qui restera la première femme admise à l'Académie française. OpenAirlines est de celles-là.
"Il y a une certaine satisfaction à avoir été des précurseurs, voire des visionnaires", admet son fondateur, Alexandre Feray. "On a choisi le bon thème, et la bonne technologie, au meilleur moment. « Des solutions en faveur de l'environnement pour l'aviation, via le big data et en utilisant le machine learning » – on coche tous les thèmes qui font l'actualité aujourd'hui, et dont personne ou presque ne parlait à l'époque", s'amuse-t-il.
La belle histoire commence en 2007, quand Alexandre Feray quitte Air France pour entamer une aventure entrepreneuriale. "J'avais longtemps bidouillé des ordinateurs, ado, j’avais développé un langage de programmation commercialisé par Apple, et toujours admiré des personnalités comme Steve Jobs. J'avais 38 ans, j'étais prêt… Je me suis lancé."
Alexandre Feray se positionne d'abord sur un créneau qu'il connait bien, les logiciels de planning du personnel naviguant. L'entreprise démarre doucement, pas assez vite au goût de cet amateur d'alpinisme et de ski de randonnée qui, lors de ses sorties dans les Alpes ou les Pyrénées, constate aussi les conséquences du réchauffement climatique et les dégradations subies par ses montagnes adorées.
Economies de carburant et protection de l'environnement
"Je savais que je voulais créer des progiciels. En regardant la thématique qui m'intéressait, l'environnement, j'ai cherché quelque chose qui avait un sens pour moi, et qui utiliserait la techno au service de la planète."
Alexandre sait que, suite au protocole de Kyoto, les compagnies aériennes devront limiter leurs émissions de CO2 à partir de 2010, avec des amendes en cas de dépassement et la possibilité d'échanger leurs quotas grâce à une bourse dédiée. Il devient crucial pour elles de comptabiliser précisément leurs émissions – et de tenter de les réduire. OpenAirlines "pivote" vers ce nouveau marché.
"Notre première appli compilait les bonnes pratiques et proposait aux compagnies aériennes des recommandations pour économiser du fuel. On calculait ensuite les économies réalisées et celles qui auraient pu l'être en suivant toutes nos préconisations." Les économies promises par OpenAirlines augmentent directement les marges des compagnies aériennes, qui se montrent d'autant plus intéressées que la consommation en carburant représente près de 30 % de leurs coûts. "On s'est dit qu'on tenait quelque chose, et on a décidé d'améliorer notre offre".
Boites noires et machine learning
Le logiciel d'OpenAirlines compile désormais des centaines de paramètres, notamment issus des enregistreurs de vols – les fameuses "boites noires". Consommation de kérosène, plan de vol initial et trajectoire réelle, données météo, remplissage de l'appareil, historique de maintenance… "On passe ensuite toutes ces données dans nos algorithmes, qui vont produire des métriques et proposer, en fonction de chaque vol et de chaque appareil, des recommandations spécifiques". Elles concernent différents domaines : la préparation du vol, car "la meilleure route sur la carte n'est pas forcément la plus économique dans la réalité" ; les manœuvres au sol ("telle manœuvre, possible dans tel aéroport, permet d'économiser tant de carburant") ; le vol, "par exemple l'altitude optimale pour accélérer, ou la possibilité sur telle route de descendre de manière continue plutôt que par palier" ; et les opérations de maintenance, type "le cycle optimal de nettoyage pour un moteur, en fonction de son utilisation réelle". Résultat : une consommation de kérosène réduite de 2 à 5% et des économies substantielles pour les compagnies aériennes.
Save Fuel, Save Money, Save the Planet
"Avec nos logiciels, économies financières et protection de la planète vont de pair, c'est notre chance," se félicite Alexandre. D'où un slogan - Save Fuel, Save Money, Save the Planet - et une offre qui s'inscrivent parfaitement dans l'air du temps. OpenAirlines compte aujourd'hui une trentaine de clients, un superbe siège à Toulouse, des bureaux à Hong-Kong et Miami, plus de quarante collaborateurs, et un taux de croissance annuel de… 30%. "Nous signons en ce moment une nouvelle compagnie chaque mois et visons quatre-vingt clients d'ici trois ans. Notre ambition est de devenir le leader incontesté des solutions environnementales pour l'aviation.
Mais le principal défi est peut-être ailleurs : "continuer à nous développer, sans perdre notre esprit," explique Alexandre. "Créer et préserver un esprit d'équipe ; conserver notre culture d'entreprise - libérée, innovante, dynamique, créative ; gérer les salarié(e)s, les aider à se réaliser au sein de notre structure ; accueillir les différences et respecter chaque personnalité ; demeurer à la fois exigeant et bienveillant…. Voilà mon rôle principal aujourd'hui - et c'est passionnant."
OpenAirlines lancera prochainement une nouvelle solution, qui offrira aux pilotes des recommandations en temps réel, directement transmises via l'ordinateur dans le cockpit. L'objectif : encore mieux aider les compagnies aériennes à économiser le carburant. "Le réchauffement climatique est le sujet de notre siècle. Le secteur aérien devra faire son aggiornamento et réduire ses émissions de CO2. Il n'y a pas d'alternatives, seulement un défi à relever dans les prochaines années". Le sens de l'Histoire… et la volonté de garder un temps d'avance pour la façonner.