La crise a montré que la répartition des rôles et responsabilités entre agences et organisations n’est pas toujours claire et efficace, que chaque acteur de santé peut optimiser son propre fonctionnement (et l’a fait) mais elle a aussi, et surtout, mis en avant la force du réseau. L’avenir - dans toute son incertitude et sa complexité - consistera à affronter les crises en réseau de manière à bénéficier de toutes les intelligences présentes dans chacun des noeuds d’une organisation neuronale.
Il convient alors de penser ces connexions en s’assurant de :
- Replacer les besoins du patient au cœur du système de santé : assurer une meilleure coordination entre les réseaux de soins (hôpital public, hôpital privé, médecine de ville) afin de simplifier ses démarches et son parcours. En France, un besoin de développer une filière gériatrique se fait par exemple nettement sentir.
- Remettre le professionnel de santé au centre de la décision d’orientation des politiques publiques pour qu’elles soient corrélées au réel. Force est en effet de constater que le professionnel de santé sur le terrain (médecin, infirmier ou pharmacien) a été placé au cœur de la riposte contre la pandémie. C’est sur cette dynamique qu’il faut s’appuyer pour renforcer la place des professionnels de santé dans l’élaboration des politiques publiques.
- Donner pleinement au professionnel de santé les moyens de s’adapter à l’imprévu en repensant les processus métiers et en simplifiant les règles administratives auxquelles il est soumis : modalités de facturation, accès aux résultats d’analyse des laboratoires, utilisation accrue de documents électroniques.
- Concevoir des politiques de santé plus modulables et permettre leur adaptation à l’échelle du territoire et des bassins de population. Il est ainsi nécessaire de transformer en profondeur nos organisations pour les rendre plus autonomes, plus agiles, plus coopératives, et recentrer leur action sur les besoins différenciés des bassins de population, en conférant une plus grande marge d’autonomie aux établissements et dispositifs territoriaux ainsi qu’une liberté d’innovation, notamment dans les modèles de financement. Cela passe par une plus grande autonomie de décision et par l’application du principe de subsidiarité au niveau local, afin de créer un réseau efficient et agile entre l’administration déconcentrée, les collectivités territoriales, et l’ensemble de l’écosystème local, dont la société civile. Il s’agira aussi de reconstruire les logiques structurelles et d’avoir des bâtiments connectés, en adéquation avec les besoins différenciés des bassins de population.
- Renforcer le lien entre médecine de ville, médecine militaire et médecine hospitalière afin de prévoir une réponse plus rapide et coordonnée aux crises sanitaires, en capitalisant sur les capacités militaires de réaction aux crises et à l’imprévu, notamment en termes d’afflux massif de patients en cas d’opérations extérieures (OPEX).
- Accentuer les synergies et collaborations entre États : construire des programmes communs de coopération, prévoyant notamment une clause spécifique en cas de circonstances exceptionnelles. Le continent européen a mis un genou à terre pendant la crise du Covid-19 et il importe d’en tirer immédiatement les enseignements. La santé publique est désormais un enjeu géostratégique, autant qu’un outil de défense nationale et européenne. La proposition de la Commission européenne de créer, dans le projet de budget 2021-2027 de l’Union européenne, un fonds de 9,5 milliards d'euros - là où 400 millions d’euros sont alloués actuellement par le budget communautaire à la santé - pour investir dans " la prévention, la préparation aux crises, l’approvisionnement en médicaments et en équipements ", constitue à cet égard une avancée importante.
Apprendre du monde de la médecine militaire
Les armées sont historiquement exposées à prendre en charge les blessés de guerre et à faire face aux catastrophes. Toute leur organisation est fondée sur cette culture avec du personnel disponible pour partir en tout temps et en tout lieu (exercices, entraînements, opérations extérieures, projections) et en permanence à jour de qualifications.
Dans ce but, la médecine militaire est prête à prendre en charge des afflux massifs de victimes dans des temps très courts, situation qu’elle est susceptible de rencontrer en opérations extérieures (OPEX) comme sur le territoire français.
Des retours d’expériences croisés entre monde civils et militaire pourraient être renforcés à cet égard, pour faire face à de nouvelles crises. Le ministère de la Santé et des Solidarités et celui des Armées capitaliseraient alors sur l’expertise acquise et l’expérience éprouvée du monde militaire, et agiraient conjointement au bénéfice d’une réponse commune en matière de gestion des flux de patients, gestion des stocks de matériels et médicaments et ressources humaines.
Source CGI