Dans le dernier épisode de notre série de podcast Parlons transition énergétique, Tom van der Leest, vice-président chez CGI, s’entretient avec Nienke Homan, une experte qui siège au conseil d’administration de plusieurs sociétés énergétiques et d’organisations de l’industrie. Ils discutent en profondeur du rôle de l’hydrogène dans la transition énergétique, de la manière dont les grandes entreprises doivent équilibrer le nouveau système énergétique et de l’importance critique de l’optimisation des systèmes de technologie de l’information (TI) dans cette transformation.
À mesure que la transition énergétique s’opère, l’hydrogène joue un rôle de plus en plus important dans la réduction des émissions et l’atteinte des objectifs de neutralité climatique. La production, le transport et le soutirage d’électricité renouvelable et d’hydrogène vert complexifient le système énergétique, ce qui oblige les organisations à transformer leurs activités internes et externes. Forte de sa vaste expertise dans le secteur de l’énergie, Nienke Homan livre ses réflexions sur les possibilités et les défis de la transition vers l’hydrogène vert, la nécessité d’équilibrer le système énergétique global et l’importance croissante des données et des systèmes de TI pour parvenir à un système énergétique neutre sur le plan climatique.
Les considérations « sociales » et techniques de la transition vers l’hydrogène
Selon Nienke Homan, la transition vers l’hydrogène se produit sur deux plans, soit les plans social et technique. La transition sociale fait en sorte que différentes organisations et différents secteurs doivent apprendre à travailler ensemble, tandis que la transition technique exige de trouver l’équilibre dans un tout nouveau système énergétique.
Le nouveau système énergétique nécessite « une production d’énergie flexible qui a besoin d’une infrastructure nette et de soutirage flexible. Ce n’est pas toujours possible. Nous devons donc combiner de nouvelles méthodes de travail et une nouvelle infrastructure », explique-t-elle.
Mais avec les objectifs de 2030 qui pointent à l’horizon, comment les organisations et les secteurs peuvent-ils changer le système?
Elle suggère de commencer par utiliser l’hydrogène vert de différentes façons dans les secteurs difficiles à décarboniser. « Je constate que les techniques de soutirage stables devront gagner en flexibilité. Le soutirage flexible existe déjà, par exemple dans le secteur de la mobilité. On ne fait pas le plein de sa voiture toute la journée; on le fait de temps à autre seulement. Nous avons donc besoin d’une solution pour cette partie. La solution se trouve peut-être dans un système flexible avec des électrons ou des molécules. »
Selon elle, la façon dont nous utilisons l’énergie renouvelable est appelée à changer. « Pensons aux camions, qui font partie d’un secteur difficile à décarboniser. Nous avons besoin d’hydrogène vert dans les transports. Mais comment pouvons-nous, par exemple, amener l’hydrogène vert à l’endroit où on fait le plein de son camion? »
Le gaz naturel est acheminé vers les stations-service avec des infrastructures organisées, mais ce n’est pas encore le cas pour l’hydrogène vert. Il en va de même pour les applications industrielles. « Pouvez-vous l’acheter sur le marché, et si oui, à quel moment et à quel prix? Pouvez-vous le produire vous-même? », poursuit-elle.
Favoriser l’équilibre, l’abordabilité et la durabilité du système énergétique
Le système énergétique est déjà très complexe en soi, tant du point de vue technique que du point de vue des données. Dans un système décentralisé comportant des fournisseurs, des exploitants de réseaux et d’autres intervenants, Tom van der Leest se questionne sur les interactions entre les systèmes, les fonctions et les types d’énergie. Il se demande s’ils se remplacent mutuellement ou si les énergies renouvelables, l’hydrogène, le gaz naturel et l’électricité forment une combinaison.
Pour Nienke Homan, la clé réside dans l’équilibre. Elle cite l’exemple d’un ménage qui peut partager l’électricité avec un voisin. « C’est quelque chose qui a été mis à l’essai et qui est possible, mais qu’on ne fait pas encore. Bien sûr, nous utilisons le système et ses infrastructures, mais nous avons maintenant 16 % d’électricité renouvelable et nous devons viser 100 %. »
Il faut aussi penser aux moments où le soleil et le vent ne sont pas au rendez-vous. « Nous avons besoin de l’hydrogène vert pour équilibrer le système, autant pour les ménages qui doivent pouvoir compter sur un système fiable que pour les secteurs difficiles à décarboniser, comme le secteur industriel et le camionnage à longue distance. »
Tom van der Leest souligne également que l’équilibre du système énergétique comporte des considérations éthiques. « Un système énergétique se doit d’être abordable, fiable, durable et à l’épreuve du temps, ce qui est compromis par l’utilisation de sources d’énergie intermittentes comme le vent et le soleil. »
Perspectives d’EDSN et de CGI sur l’évolution des tendances en matière de TI et d’infrastructure
Dans le cadre de ses fonctions au sein d’Energie Data Service Nederland (EDSN), le fournisseur de services de TI partagés pour le système énergétique néerlandais, Nienke Homan voit plusieurs changements émerger dans le domaine des TI et des infrastructures énergétiques.
Pour ce qui est de l’import-export, il s’agit selon elle d’un système énergétique mondial. « L’échange d’énergie se fait par des câbles et des pipelines, mais aussi par le transport maritime. Tout évolue. Le gaz naturel et le pétrole existeront encore au cours des prochaines années. Pendant ce temps, nous devons également changer le système pour intégrer des électrons et des molécules renouvelables, comme l’hydrogène vert. Il faut absolument réfléchir à la meilleure manière de le faire, tant au niveau domestique qu’industriel. »
Même si le système énergétique des Pays-Bas est bien conçu, ajoute-t-elle, il n’est pas encore entièrement prêt à offrir de la flexibilité. « Notre système est principalement basé sur les combustibles fossiles. Nous devons le remplacer par un système flexible qui intègre des énergies renouvelables en utilisant l’infrastructure de la meilleure manière possible. Autrement, ce sera trop dispendieux. »
Elle fait remarquer que si le système est optimisé et utilisé le plus efficacement possible, les occasions de réduction des émissions de carbone augmenteront beaucoup plus rapidement.
Tom van der Leest souligne à quel point le système énergétique a évolué au cours des dernières décennies pour offrir davantage de choix et d’accès aux clients, mais Nienke Homan suggère qu’il reste encore énormément d’apprentissages à faire. « Nous n’en sommes qu’au début de la transition et nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir, soit plus de 80 %. Il faudra donc beaucoup plus de flexibilité. »
Elle mentionne plus précisément la flexibilité et l’optimisation des systèmes de TI ainsi que l’utilisation de données en temps réel. « Je ne vois pas comment il sera possible de créer un système énergétique carboneutre sans que les TI soient beaucoup mieux utilisées. »
Son interlocuteur acquiesce, ajoutant que de nombreux systèmes ont été conçus selon une approche rigide et universelle. « Nous avons besoin d’un plus grand nombre de solutions modulaires qui effectuent un traitement en temps quasi réel », dit-il, avançant que l’intelligence artificielle (IA) et les solutions intelligentes sont de plus en plus utiles pour relever les défis liés au capital humain.
Selon Nienke Homan, l’avenir passe par des TI et des données qui soutiennent les méthodes de travail, ce qui crée une infrastructure de réseau efficace et équitable. « Nous avons vu au cours des dernières années avec la crise énergétique mondiale que le vent peut tourner très rapidement dans le secteur de l’énergie. L’exploitation des données pour accroître l’efficacité et influencer les prix aura toute son importance dans les prochaines années. »
L’hydrogène, les systèmes de TI et la voie à suivre
En ce qui concerne les objectifs de carboneutralité, elle sait clairement où les efforts doivent être dirigés. « Nous avons besoin de beaucoup plus d’énergie renouvelable. Et si nous avons besoin de beaucoup plus d’énergie renouvelable, nous avons aussi besoin de plus d’hydrogène vert pour équilibrer le système. »
« Si l’objectif est d’accélérer la transition énergétique, les données en temps réel et les systèmes de TI flexibles et efficaces sont essentiels », explique-t-elle. Elle suggère la création d’un système agile qui « peut trouver l’équilibre optimal entre les molécules et les électrons afin que nous puissions optimiser l’utilisation de notre énergie et des infrastructures ».
En fin de compte, conclut-elle, l’hydrogène vert est le chaînon manquant. Même s’il est encore relativement nouveau, « la possibilité de décentraliser sa production change vraiment le système ». Elle fait remarquer que l’hydrogène bleu est également à considérer. Peu importe la couleur choisie par les organisations, l’important est de choisir une « source d’énergie qui ne produit pas d’émissions de carbone ».