Île-de-France Mobilités (IDFM) est l'autorité organisatrice des transports de la Région Île-de-France. IDFM imagine, organise et finance les transports publics (15 lignes de train-RER, 14 lignes de métro, 1500 lignes de bus, 9 lignes de tram …) mais aussi les nouvelles mobilités pour douze millions de Franciliens. Au cœur de sa stratégie : l'amélioration continue du service aux usagers, grâce à l'innovation. Explications avec son Directeur Général, Laurent Probst.
Les transports en commun franciliens vivent un moment historique, avec la préparation de la dématérialisation des tickets de métro…
Historique et remarquable, ce sont les deux mots que j’associerais à l’année 2019. Jamais nous n’avons mené autant de chantiers, jamais le réseau et la billettique n'ont été autant modernisés que cette année ! Cette réussite est l'aboutissement du programme "Smart Navigo" lancé début 2016, avec l'arrivée de Valérie Pécresse à la tête d'Ile-de-France Mobilités. Sa priorité a été tout de suite de pouvoir offrir des services de déplacement modernisés et fluidifiés en Ile-de-France. L'objectif était de fournir assez rapidement un bouquet de services innovants et surtout utiles aux Franciliens, pour leur faciliter la vie et le quotidien. La première étape, dès 2016, a été le lancement puis la généralisation du compte Navigo en ligne pour l’ensemble des usagers. Cela parait anodin, mais c'était essentiel pour la suite du projet. Car une fois cette étape franchie, nous avons pu avancer rapidement vers la modernisation des moyens de paiement avec comme objectif, à terme, une dématérialisation du ticket de métro.
Pourquoi mener de tels chantiers ?
La motivation principale est de faciliter toujours plus la vie quotidienne des usagers en Ile-de-France et d'améliorer constamment la qualité du service offert, avec de nouveaux supports beaucoup plus pratiques. Avec son téléphone, plus besoin d'aller au distributeur, de faire la queue, de suivre les instructions pour acheter un ticket, plus de risque de perdre ses billets ou de constater qu'ils sont démagnétisés…Chacun peut directement et très simplement voyager. Le problème des tickets démagnétisés, par exemple, n'est pas anecdotique : c'est très agaçant pour l'usager, qui perd du temps à faire changer son ticket au guichet, et très chronophage aussi pour les agents, quand on sait qu’ils doivent remplacer près de 5 millions d’entre eux chaque année. Aujourd'hui, cette dématérialisation prend deux formes. Premièrement, la billettique sur les smartphones. Une fois l’application ViaNavigo téléchargée, les voyageurs peuvent acheter et valider leurs carnets de tickets ou leurs forfaits Navigo directement sur leur téléphone. Deuxième aspect de cette révolution de la billettique, les nouveaux passes sans contact, avec deux produits pensés pour répondre aux besoins spécifiques des voyageurs dits "occasionnels" et remplacer progressivement les tickets de métro. Le passe "Navigo Easy", lancé le 1er juin dernier, est une carte sans contact vendue deux euros qui fonctionne comme un porte-monnaie électronique, et sur laquelle l’utilisateur peut charger des titres de transport (tickets à l'unité ou en carnet, forfait Navigo jours, etc.). Quant à notre passe "Navigo Liberté+", disponible depuis le 13 novembre, il est destiné à ceux qui prennent les transports de temps en temps, mais pas assez pour souscrire un passe Navigo illimité. Liberté+ est un produit particulièrement intéressant et extrêmement simple. Plus besoin d'acheter des carnets de tickets, plus d'abonnement à souscrire, l’usager n’a qu’un compte à créer. Il peut ensuite se déplacer librement et payer ses trajets à la fin du mois, en fonction de son usage réel. C'est économique (on bénéficie dès le premier trajet des tarifs réservés aux carnets de ticket) et très pratique pour l'usager, qui peut l'utiliser dans la majorité des transports en commun (bus, métro, tram et RER) et réaliser des correspondances bus-métro ou tram-métro. Cela fonctionne comme un badge de télépéage, mais pour les transports. Notez également que ces nouveaux moyens de paiement sont bénéfiques aux usagers, mais aussi à l'environnement. Ce sont en tout 440 millions de tickets soit environ 220 tonnes de papier qui seront ainsi économisées chaque année.
En matière de dématérialisation, quels vont être vos prochains chantiers ?
Nous sommes en train de travailler sur l'extension de la dématérialisation à l’ensemble des smartphones. Le service concerne pour l'instant les détenteurs de téléphones Samsung et ceux fonctionnant sous Android Orange, ce qui nous permet déjà de couvrir 40% de la population. Dès l'an prochain, ce service sera étendu aux autres possesseurs de smartphones Android, puis à tous les smartphones d’ici 2021, si nous arrivons à finaliser les discussions avec Apple. Nous avançons aussi sur la validation des billets par carte bancaire – en utilisant la technologie NFC, comme pour les téléphones. Il existe différentes solutions, que nous étudions en détail. Dès janvier prochain, les usagers pourront valider leurs trajets dans l'Orlybus et le Roissybus directement avec leur CB. Sur la billettique, notre politique volontariste nous permet de rattraper notre retard sur les grandes métropoles mondiales, qui sont des références en matière de mobilité, je pense notamment à Tokyo et Singapour. Aujourd’hui, la région Ile-de-France se positionne véritablement au même niveau que ces mégalopoles. Nous ne pouvons que nous en féliciter.
IDFM se tourne de plus en plus vers le Maas (Mobility-as-a-Service). Pouvez-vous nous en dire plus ?
En effet. La dématérialisation ne concerne pas seulement la billettique, mais aussi l'information voyageur. Il s'agit vraiment de deux aspects complémentaires. Notre objectif, c'est d'amener cette information au plus près des voyageurs, c’est-à-dire directement sur leurs téléphones, sur toutes nos applications, mais aussi sur des applications tierces, privées. Pour ce faire, Ile-de-France Mobilités va construire, à partir de l'an prochain, une plateforme régionale d’information multimodale. Ce hub agrégera toutes les données issues de l’ensemble des acteurs du transport en région parisienne : transports en commun bien sûr (métro, bus et RER) mais aussi co-voiturage, autopartage, vélos en libre-service, trottinettes et scooters en free-floating, taxis et VTC. L'objectif est d'accompagner les déplacements en Ile-de-France grâce à des informations fiables et non-biaisées. Les voyageurs pourront accéder depuis l’application Île-de-France Mobilités à un calculateur d’itinéraire, qui prendra en compte toutes ces données pour les guider d'un point A à un point B, et même acheter leurs titres de transport directement via l'application. Le service sera aussi ouvert aux entreprises et collectivités, qui pourront y piocher l'information qui les intéresse.
Nous avançons donc résolument vers le Maas. Nous sommes convaincus de son intérêt pour faciliter la vie des Franciliens, mais aussi des touristes qui visitent la région. Ouvrir ces informations à des applications tierces améliorera les déplacements multimodaux et plus généralement la circulation. Il existe en Ile-de-France un réel enjeu de report modal, pour faire baisser la part de la voiture individuelle ; c'est pourquoi notre plateforme donnera une information neutre, avec les temps de parcours réels, sur tous les supports. C'est important car si vous avez accès à la bonne information, vous pouvez choisir le déplacement le plus adapté et vous rendre compte qu'il ne s'agit pas forcément de la voiture. Cela évite la saturation des routes, limite la pollution et contribue à apporter une meilleure qualité de service aux Franciliens. C’est bien là notre raison d’être.
C'est dans cette optique que vous travaillez également sur les nouvelles mobilités, type vélo partagé et co-voiturage ?
Saviez-vous que nous avons lancé avec Veligo le plus grand service de location de vélos électriques au monde ? Depuis le mois de septembre, 10.000 vélos à assistance électrique sont disponibles à la location de longue durée, dans toute la région. Cela suppose de notre part un investissement conséquent, de plus de 60 millions d’euros. Nous le faisons car nous souhaitons montrer aux Franciliens que ces vélos à assistance électrique facilitent vraiment le quotidien. L’objectif est de favoriser leur utilisation pour les trajets domicile-travail et pour les trajets multimodaux, y compris pour les habitants de la "Grande Couronne" qui peuvent ainsi facilement se rendre en gare. Nous investissons aussi dans le covoiturage, nous sommes parmi les premiers à avoir généralisé la subvention au covoiturage, entre 1,50 et 3 euros par trajet effectué, et à avoir proposé une prime allant jusqu’à 150 euros par mois pour les conducteurs qui covoiturent chaque jour sur le trajet domicile-travail (avec un plafond de deux trajets par jour par conducteur). C’est une disruption par rapport au rôle traditionnel d’une autorité organisatrice de transports, mais nous sommes convaincus de l’apport de ces solutions alternatives pour les Franciliens. Nous innovons donc résolument, en gardant en tête que l’innovation ne concerne pas simplement la technologie, mais aussi les usages.