Finie l’époque où les journalistes considéraient l’IA comme une menace. Tant du côté des salles de rédaction que des conseils d’administration, nombreux sont ceux convaincus qu’elle peut constituer un allié parfait. De la collecte d’informations à la publication automatique de dépêches, l’IA fait désormais partie du quotidien de certaines rédactions.
Cependant, peu de médias disposent d’une vision stratégique englobant les nouvelles fonctionnalités générées par ces technologies. Ainsi, le potentiel de l’IA n’est pas encore pleinement exploité…
L'IA, facilitatrice de la production et du développement de nouveaux produits
Si certains médias utilisent l’IA dans leurs salles de rédaction, elle est surtout utilisée pour la production d’informations, laissant de côté le potentiel business. Par exemple, dans l’affaire des Pandora Papers, l’IA a joué un rôle clé : elle a permis aux enquêteurs d’analyser douze millions de documents en un temps record. Pour Maxime Vaudano, journaliste au Monde, « il s’agit d’un “enjeu technologique” car l’IA permet d’écarter les documents qui ne sont pas intéressants. Elle permet un gain de temps non négligeable pour les journalistes ».
Par ailleurs, une enquête menée par des chercheurs américains en 2021 a permis de mettre en lumière le fait que la majorité des projets utilisent l’IA pour accroître la capacité de production, en ratissant les grands fichiers de documents avec l’apprentissage automatique, détectant les fake news (en savoir plus sur ce sujet) et repérant les événements de dernière minute sur les médias sociaux. Pour les autres projets analysés, le deuxième objectif est la réduction des coûts variables à travers l’automatisation des processus de diffusion, le marquage des images et des vidéos et la production des articles. Au troisième rang des objectifs, on retrouve l’optimisation des revenus - paywalls dynamiques, moteurs de recommandation et numérisation des archives.
Enfin, une étude sur les tendances 2022 du monde médiatique réalisée par Reuters montre que les médias misent sur l’IA afin d’optimiser la production et la personnalisation de l’expérience client, notamment sur trois volets : la recommandation de contenu, l’automatisation des salles de rédaction et la lutte contre l’attrition et la fidélisation des abonnés. Ces trois études démontrent que l’IA possède un potentiel de transformation non négligeable dans tout le spectre de la production de l’information. Néanmoins, le grand défi est de savoir comment cette technologie peut être mise à profit pour stimuler la croissance et accroître l’engagement de l’audience grâce à des expériences améliorées et à de nouveaux produits.
L’IA, un levier business pour le secteur des médias
Grâce à la collecte des données, l’IA permet de mieux cibler les audiences avec un contenu plus adapté permettant ainsi d’améliorer les stratégies sur le long terme en se différenciant et en générant de nouvelles opportunités.
Ces technologies permettent notamment, l’automatisation des décisions chronophages sur la façon de gérer le contenu premium et d’optimiser les recommandations pour un engagement de qualité qui stimule l’abonnement. Par exemple, Le Globe and Mail compte beaucoup sur sa page d’accueil pour présenter des articles susceptibles d’intéresser ses visiteurs dans l’optique de les convertir de lecteurs occasionnels en abonnés. Le quotidien utilise un outil qui gère le contenu de la page d’accueil et détermine quels articles vont où, quand, et dans quel ordre. En conséquence, les taux de clics et d’acquisitions du journal ont augmenté de plus de 10 %, et les journalistes ont plus de temps pour se concentrer sur un contenu plus engageant.
Par ailleurs, afin d’améliorer l’engagement avec son audience, le Washington Post, quant à lui, utilise l’apprentissage automatique pour modérer et filtrer les commentaires avec un outil développé en interne. Cette technologie est également mise à profit pour la diffusion, elle optimise le référencement naturel en identifiant les mots-clés et augmente ainsi l’engagement des lecteurs à travers des liens de rebond personnalisés.
La voix synthétique assistée par l’IA aide les médias à accélérer et à amplifier la création de nouveaux produits. Des applications comme Marvel.ai aident les journalistes à transformer leurs articles écrits en podcasts et augmenter ainsi l’audience et la consommation de leurs contenus. Pour interagir avec la communauté latino-américaine, Bryan Barletta, le fondateur de Sound profitable news, utilise cette application pour convertir son contenu écrit en audio pour son podcast avec sa voix synthétisée et le publier en espagnol. Par conséquent, il n’est pas nécessaire d’embaucher des traducteurs pour atteindre cette communauté et amplifier son « reach ».
Intégration de l’IA dans la stratégie à long terme
Malgré l’avancée de l’IA, on constate que plusieurs médias négligent encore l’aspect stratégique de l’application d’une telle technologie et de son exploitation pour assurer une viabilité à long terme. On est encore loin de la grande transformation des salles de rédaction par l’IA car beaucoup s’interrogent toujours sur sa nécessité et la rentabilité des investissements que le déploiement de ces technologies engendre.
Or, soutenue par une stratégie ambitieuse globale qui l’intègre dans son schéma de réflexion de développement, l’IA constitue un levier de croissance. Elle favoriserait la rentabilité à travers la réduction des coûts et l’optimisation des processus et permettrait aussi l’augmentation des revenus à travers l’accroissement des abonnements numériques et la réduction du taux d’attrition et ceci grâce au modèle prédictif qu’elle pourrait offrir.
Sans l’adoption de cette technologie et sans une stratégie qui l’encadre, une problématique s’imposera sans doute, celle de la vulnérabilité des médias traditionnels face aux potentiels nouveaux arrivants. Un premier constat évident indique que l’audience jeune est déjà attirée par des startups qui maitrisent ces technologies et qui offrent une nouvelle expérience et un panel de produits personnalisés.
Vous souhaitez échanger autour de votre stratégie ou lancer une étude sur l’Intelligence artificielle ?