Généralisation du télétravail, développement des outils collaboratifs, digitalisation des interactions... Ces transformations, que la crise sanitaire a accélérées, ont été trop rapides pour être intégrées par les entreprises et les managers, qui n’ont pas toujours su réagir de façon optimale.

Nos experts reviennent sur l’impact de la crise du Covid-19 sur les modèles managériaux, l’évolution des façons de travailler et la manière dont les organisations devraient s’appuyer sur les outils numériques pour gagner en agilité et en performance. 

Quel impact a eu la crise sanitaire sur les modèles managériaux ?

La crise que nous traversons nous a fait prendre conscience des limites des modèles organisationnels et managériaux actuels. Nous avions 10 ans de retard sur le déploiement de systèmes collaboratifs. Le premier confinement a permis de rattraper ce retard, voire de prendre de l’avance. Ça a été un véritable accélérateur. Mais nous avons été confrontés à de nouvelles problématiques en matière de management. Il y a des managers qui prennent des initiatives qui ennuient tout le monde. D’autres qui appellent leurs collaborateurs toutes les 10 minutes pour s’assurer qu’ils travaillent... Avec le télétravail, on ne juge plus sur l’impression, mais sur le résultat. On s’est aperçu que certains collaborateurs avaient l’air d’en faire beaucoup, mais étaient en réalité dans une sorte de représentation.

Une fois ce constat posé, quelle devrait être la priorité, selon vous, des organisations ?

Repenser les pratiques managériales est aujourd’hui une nécessité et une priorité. Beaucoup de collaborateurs se sont dit : « grâce au télétravail, je vais pouvoir travailler de façon plus confortable et m’organiser comme je le souhaite ». Mais la multiplication des réunions digitales a rendu cette organisation difficile et fatigante. Pour rester dynamique, il est important de garder le rythme et cela passe par une hygiène personnelle et le maintien de rituels professionnels (préparation des réunions, échanges informels via des cafés virtuels, respect des heures de travail et du droit à la déconnexion, etc.). Les managers doivent également être capables de garder le contact, d’encourager la cohésion et l’esprit d’équipe, de répartir la charge et de gérer les conflits lorsqu’il y en a – et on les voit moins facilement quand tout le monde est à distance.

Comment les façons de travailler ont-elles évolué sous l’effet du confinement ?

Beaucoup de gens ont profité du confinement pour faire un bilan de leur vie et prendre des initiatives radicales. Du côté des entreprises, certaines ont instauré de nouvelles règles : on cherche à recruter les meilleurs collaborateurs où qu’ils soient, on restructure les locaux en privilégiant les espaces de travail collaboratifs et en favorisant le mode projet et les processus d’idéation… L’usage des locaux évolue et l’entreprise devient un lieu de rencontre et de partage où les positions individuelles ne sont plus forcément nécessaires. Cette transformation offre la possibilité de réaliser un potentiel gain financier en réaménageant les espaces voire en supprimant des mètres carrés. Ces gains pourront être réinvestis dans un « pack » de télétravail pour chaque collaborateur. C’est un vrai changement d’état d’esprit à opérer, surtout au plus haut niveau.

Pourquoi au plus haut niveau ?

Cela fait plus de 30 ans que l’on forme au sein des écoles de commerce et d’ingénieurs des bataillons de managers sur la gestion des entreprises grâce à une approche par processus : un enchainement de tâches pour répondre à un besoin. C’est efficace dans un contexte de cycles économiques longs et constants. Mais aujourd’hui, les entreprises doivent faire face à une situation complexe où l’adaptation et la remise en question permanente sont devenues la norme. Les managers doivent donc s’aligner sur ce nouvel impératif et faire preuve de beaucoup plus d’agilité au quotidien.

Comment faire en sorte de gagner en agilité justement ?

La réussite passe tout d’abord par davantage de diversité des profils, pour se nourrir des expériences des uns et des autres, confronter les points de vue et casser les schémas existants. Notre challenge est de libérer le potentiel et les énergies grâce à de nouvelles pratiques telles que le fait de privilégier les individus et les interactions plutôt que les processus, de collaborer davantage avec le support d’un « manager coach » et de déployer des outils digitaux simples et intuitifs plutôt que des solutions trop complexes. Un autre point essentiel est la formation qui doit être continue et adaptée aux besoins de chacun (adaptive learning). Les façons d’apprendre sont différentes : si l’objectif de la formation est le même pour tous, le point de départ et la façon de parvenir au résultat doivent être adaptés à chacun.

Dans quelle mesure les outils numériques peuvent-ils être mis à profit pour accompagner ces changements ?

Le déploiement d’outils collaboratifs et digitaux ne suffit pas. On ne déploie pas Teams seulement pour avoir une visio, des appels téléphoniques ou une messagerie instantanée. Il y a bien d’autres possibilités d’utilisation. On peut maximiser le travail de groupe, organiser des sessions d’idéation, piloter un certain nombre d’activités (notamment avec des applications de type planner). On a commencé un travail sur le volet digital, mais il est loin d’être terminé. Beaucoup de mauvaises habitudes ont été prises, car on a déployé sans former, et l’on utilise aujourd’hui les outils à environ 30 à 40 % de leur capacité. Il existe un vrai enjeu : être capable de mieux les utiliser pour fluidifier la collaboration et le travail. Le collaborateur doit être en mesure de travailler partout dans les mêmes conditions. À la maison comme au bureau, on doit avoir accès aux mêmes outils, aux mêmes interfaces, à la même puissance, afin d’avoir la même capacité de production.

Pour conclure, pensez-vous que la société est prête pour cette (r)évolution ?

Nous sommes à un moment charnière, historique. La période est difficile, nous vivons un moment très compliqué sur le plan économique et sociétal. Mais le champ d’opportunités est fantastique, c’est l’occasion de se réinventer, de rentrer dans un « new normal » et d’être plus en conscience. Il y a une plus grande sensibilité de la société et notamment des jeunes vis-à-vis de sujets RSE, une plus grande conscience de l’impact de l’économie sur l’écologie, le bien-être au travail, les risques psychosociaux… et ce n’est pas uniquement avec des lois qu’on peut apporter une réponse. Cela passe aussi par une prise de conscience collective et l’envie de faire mieux, pour nous et pour les générations futures, pour tout l’écosystème.

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