La loi d’orientation des mobilités (LOM) a été votée et adoptée par l'Assemblée nationale à une large majorité, mardi 18 juin 2019. Plus de 36 ans après la publication de la loi d’orientation des transports intérieurs (LOTI), l’Etat porte une ambition forte à travers ce texte : “améliorer concrètement les déplacements au quotidien pour tous les citoyens et dans tous les territoires”. Quels sont les principaux défis pour les collectivités ? Sur quels outils pourront-elles compter ? Le texte répond-il à tous les besoins ? Les collectivités auront-elles les coudées franches pour innover ? Rapide tour d’horizon.
Un rôle renforcé pour les collectivités, partout…
Depuis les lois NOTRe et Maptam, le rôle des collectivités avait été clarifié donnant les coudées franches aux Régions pour piloter les transports non urbains et la stratégie d’intermodalité et aux métropoles pour assurer la gestion des modes de déplacements “dits urbains”. Avec la LOM, cette répartition sera confortée. Les AOM (Autorités organisatrices de la mobilité) pourront proposer plus facilement de nouveaux services de mobilité (notamment mobilité active, partagée, solidaire). Les “plans de mobilité” remplaceront les PDU pour offrir une prise en compte plus large des nouveaux modes de déplacement. Du côté des Régions, c’est la coordination qui sera mise en avant au travers d’un contrat opérationnel de mobilité (liant les AOM et la région) et la mise en place de comités des partenaires (créés par chaque autorité organisatrice pour faire travailler ensemble tous les acteurs concernés par la mobilité).
Le Gouvernement souhaite renforcer l’actuelle répartition, mais a également compris qu’il devait aller plus loin. Les mouvements sociaux majeurs qu’a connu le pays récemment et le ressenti souvent évoqué par les acteurs des territoires ont laissé entrevoir des failles dans le schéma actuel. Souvent critiqué, le système bicéphale “régions + métropoles” ne permettrait pas de répondre réellement aux enjeux des territoires non urbains. C’est en partie pour répondre à cet enjeu que la LOM propose de couvrir l’ensemble du territoire par des autorités organisatrices de mobilité. Principales visées par le dispositif ? les communautés de communes, qui se verraient dotées de nouvelles compétences.
Des leviers encore incertains
Permettre à tous les acteurs d’exercer une compétence mobilité à l’échelle de chaque bassin de vie est pertinent, mais les leviers dont ils disposeront pour mettre en oeuvre des politiques publiques efficaces restent encore vagues.
Coté financement tout d’abord. Avec la LOM, le versement transport, principal outil de financement des transports urbains, devient versement mobilité. Mais au-delà du changement de nom, les territoires restent sur leur faim. D’une part parce que le nouveau “VM” devra faire l’objet d’échanges au sein des comités des partenaires. D’autre part, parce que les options proposées notamment pour le financement des territoires peu denses devront patienter jusqu’à la prochaine loi de finances.
Côté compétences ensuite. Les collectivités seront-elles armées pour absorber tant de nouveautés ? Comme l’indiquait il y a quelques mois le rapport sénatorial intitulé “Mettre les nouvelles mobilités au service de tous les territoires”, il est urgent de “renforcer les moyens d’ingénierie publique des mobilités, s’il le faut à travers des structures mutualisées à l’échelle régionale : des politiques locales de mobilité ne peuvent être conçues et mises en œuvre que si les collectivités territoriales disposent de techniciens compétents, qui manquent souvent dans les petites intercommunalités.” Le rôle du CNFPT sera essentiel pour former l’ensemble des fonctionnaires. L’appui d’agences d’Etat comme l’ADEME sera également une des clés du succès pour porter un haut niveau d’expertise.
Une volonté d’innover
Au-delà des évolutions territoriales et des nouvelles compétences, les collectivités vont devoir apprendre à suivre les innovations toujours plus pressantes et rapides que vit le secteur de la mobilité. La LOM de son côté propose un cadre favorable à l’innovation. Elle souhaite mettre en avant le covoiturage comme une solution de transport au quotidien, notamment par la possibilité pour les collectivités locales de subventionner les solutions de covoiturage au quotidien, par la création de voies réservées au covoiturage ou encore la création du forfait mobilité durable. Elle souhaite également fixer un nouveau cadre pour les solutions en libre-service (vélos, voitures électriques, trottinettes) mais aussi pour permettre la circulation de navettes autonomes dès 2020 (et de véhicules particuliers dès 2022). L’information voyageurs est également un enjeu primordial pour le Gouvernement, qui prévoit que 100% des informations soient disponibles en temps réel et rendues publiques d’ici 2021 et ce pour favoriser les applications de type MaaS (Mobility As A Service).
Encore une fois, c’est grâce à la méthode et aux leviers disponibles que pourra réussir une telle ambition. Les nouvelles mobilités sont synonymes de “multitude”. Le secteur de la mobilité doit désormais compter, en plus des opérateurs historiques, avec de nombreux nouveaux acteurs, des startups, et de jeunes entreprises souvent issues du monde du digital. La cohabitation entre ces deux mondes nécessite de la part de la puissance publique une maîtrise de deux sujets majeurs. Celui de la donnée tout d’abord : compétences en digital, data analyst, data scientist. Celui du juridique ensuite : nouvelles modalités, contrats d’expérimentation, évolution de la commande publique... C’est dans cette logique et pour disposer du cadre adapté pour mener des expérimentations de solutions nouvelles de mobilité dans les territoires ruraux que la LOM habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour instaurer des dérogations de niveau législatif… une disposition s’inscrivant dans la démarche France Expérimentation.
La LOM vient doter les collectivités de nouveaux périmètres et de nouveaux outils pour proposer des solutions plus innovantes pour la mobilité du quotidien. Néanmoins, afin que la greffe puisse prendre, il s’agit désormais de retisser du réseau et des compétences pour que l’ensemble des territoires puissent en bénéficier.