Le débat actuel sur le prix des carburants doit encourager les pouvoirs publics à développer une approche nouvelle en matière de coût et d’efficacité des transports, à même d’embrasser tout le potentiel des nouvelles mobilités et de la révolution que celles-ci peuvent engendrer. Co-voiturage, auto-partage (mais aussi scooter, vélo, etc.), voitures autonomes, VTC : ces nouveaux modes ouvrent des pistes de solution, que ce soit pour les usagers en termes de praticité, de performance et de coûts, d’une part, et d’autre part pour la collectivité en termes de développement durable. Il s’agit toutefois de trouver un acteur capable de les organiser, de les articuler avec les transports historiques (transports publics mais également véhicules individuels). Il apparaît pertinent et opportun que les collectivités (AOM) se saisissent de ce sujet tout en définissant dans quelles conditions et ce que cela implique en termes de transformation pour elles.
L’idée d’un déplacement sans couture
Ces nouvelles mobilités ont le potentiel de créer un continuum, d’offrir ce déplacement « sans couture » rêvé par les usagers depuis le point de départ jusqu’à sa destination. Organiser un tel type de déplacement sur la base des transports publics (train, bus, métro, tramway) est, selon les territoires, souvent complexe aujourd’hui et parfois peu performant. Les nouvelles mobilités peuvent compléter efficacement ces modes historiques et s’adapter aux situations spécifiques des usagers (centres urbains, zones péri-urbaines, zones rurales…). A la clé, des déplacements plus efficaces, moins gourmands en infrastructures, moins coûteux, adaptés aux différentes situations et s’intégrant efficacement à une politique de développement durable. Pourtant, on peut constater que, voir émerger des vélos, des trottinettes, des voitures électriques à la demande ne suffit pas à rendre l’offre efficiente et simple. Quant aux effets sur la congestion urbaine, sur la pollution en général et l’équilibre financier des transports publics, il reste faible en l’état.
Organiser les mobilités
Ce que nous constatons aujourd’hui est plutôt une tentative d’auto-organisation de différentes offres de mobilités, multiformes et issues d’acteurs divers. Faut-il alors compter sur une main invisible pour qu’elles se structurent en un système cohérent capable d’apporter un bénéfice ? Cette main invisible risque fort d’être dépassée par l’innovation foisonnante dans les services de mobilité et digitaux. L’émergence, ou plutôt la consolidation, d’une mission de régulateur de ces mobilités apparaît dès lors nécessaire. Ce régulateur existe déjà puisque la loi confère aux AOM la mission d’organiser les mobilités. Comment concrétiser les bénéfices de ces nouvelles mobilités ? Que manque-t-il, alors que les offres sont là, les initiatives nombreuses, les technologies pléthoriques, pour construire une offre efficace ?
Les technologies au service d’une mobilité accrue
Pour articuler les nouvelles mobilités entre elles, et avec les transports publics, une transformation des approches est nécessaire. En effet, si la récente Loi d’Orientation des Mobilités (LOM) réaffirme le rôle central des AOM, elle laisse aussi une part à l’initiative privée. Se pose alors la question des partenariats publics/privés, de la transparence des données, de la possession et de l’usage des données client, de la collaboration entre les différents acteurs privés offrant des services de mobilité etc. Le rôle des AOM est clé dans ce contexte. Un déplacement sans couture nécessite un ensemble de technologies digitales qui doivent être déployées pour assurer une articulation concrète, efficace, rapide et adaptable. Il s’agit d’agréger l’ensemble des données de l’offre de mobilité (par nature très évolutive et innovante), faire en sorte que l’usager se retrouve facilement dans cette offre d’information, l’aider à piocher dans ces différentes offres de mobilité pour composer un service adapté à son besoin. C‘est ce que résume l’idée de Maas (Mobility as a Service) qui tout à la fois suggère des promesses intéressantes pour le transport et peine à se donner une réalité.
Les AOM doivent absolument envisager de repositionner, de réinventer leur rôle vis-à-vis de cet écosystème complexe et de repenser la manière de travailler avec certains acteurs innovants de la mobilité. Repenser les besoins des usagers pour prendre en compte les déplacements dans leur intégralité et non pas uniquement via les transports publics est clé. L’intégration des technologies digitales est dans cette perspective un enjeu de transformation majeur. Adopter une démarche progressive, itérative avec les nouveaux partenaires de mobilité en s’appuyant sur les concepts de prototypes, de laboratoire d’expérimentation est un moyen d’aborder cette révolution avec la vélocité nécessaire. Cela nécessite sans doute pour certaines des transformations sur le plan organisationnel, juridique, opérationnel. Mais accélérer cette révolution des transports, saisir l’opportunité des nouvelles mobilités, concrétiser l’idée de Mobility as a Service est sans nul doute à ce prix.